Au moment où le Premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero distribuait hier de bons points au Maroc à propos de son énième projet d'autonomie qu'il propose pour le règlement du dossier sahraoui, le parquet de l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, a demandé au juge Baltasar Garzon d'instruire une plainte déposée contre 32 responsables marocains pour génocide au Sahara occidental. Des sources judiciaires espagnoles ont en effet confirmé hier les révélation faites par le quotidien El Mundo selon lesquelles le parquet de l'Audience nationale jugeait cette plainte recevable en raison « du principe de juridiction universelle reconnu en Espagne ». Cette information tombe ainsi comme un cheveu sur la soupe pour les autorités marocaines qui s'apprêtent à « vendre » le projet d'autonomie via un intense lobbying diplomatique et à grand renfort médiatique. Une affaire qui ne manquera pas de jeter la suspicion sur le projet de Sa Majesté du fait qu'elle exhume un passif pas très glorieux des anciens serviteurs du royaume dans les territoires occupés du Sahara. Ce « génocide » dont parlent les plaignants vient appuyer les pratiques de l'armée marocaine dans les territoires occupés du Sahara, que les ONG internationales ont de tout temps dénoncées, et relayer les râles de ce peuple auxquels l'establishment américain, français et même espagnol oppose une sourde oreille. Zapatero qui achevait hier une visite officielle au Maroc ne pensait pas si bien décrire une situation au Sahara qui, d'après lui, « n'est bonne pour personne ». Pour ce faire, il propose de « trouver une solution définitive » au conflit. Une solution que tous les partenaires appellent de leurs vœux, mais dont les voies « d'accès » semblent pour l'heure bouchées aussi longtemps que la finalité de ce conflit n'est pas partagée par tous les partenaires. Si les Sahraouis à travers leur représentant légitime, le Polisario, restent attachés à la solution onusienne qui passe par un référendum d'autodétermination, au même titre que l'Algérie, le Maroc, lui, n'envisage le dénouement que dans l'optique d'une « marocanisation » du Sahara. Le référendum, dont le principe a été pourtant accepté par le défunt Hassan II et son ex-bras droit Driss Basri, ne devrait servir, selon Rabat, qu'à légitimer l'annexion de ce territoire au Maroc moyennant une autonomie. Une « solution » rejetée et par le Polisario et par l'Algérie en ce qu'elle enterre la résolution de l'ONU et le plan Baker qui évoquent explicitement un référendum d'autodétermination. Devant ce « vice de forme », le Maroc sous l'impulsion de la France et de l'Espagne tente d'intégrer l'Algérie comme partie prenante du conflit en proposant un dialogue trilatéral. Une idée qui a été rejetée par Alger qui maintient sa position que le conflit est bilatéral et doit être traité conformément à la légalité internationale. Hier, lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre marocain Driss Jettou, Zapatero a estimé que « le plan d'autonomie marocain a été conçu dans le but de rétablir les négociations directes entre les parties concernées dans le cadre de l'ONU ». Autrement dit, le Premier ministre espagnol appuie subtilement le projet marocain avec cette précision qu'il fallait amener Alger à souscrire à la démarche. Son homologue Driss Jettou n'a d'ailleurs pas manqué de le féliciter pour l'attitude « responsable et constructive » de l'Espagne qui contribuerait d'après lui « à la recherche d'un accord entre les parties ».