Finalement Farouk (et non Rachid comme cela avait été écrit par erreur) Ksentini avait vu juste en parlant, lors de son passage à la télé il y a une quinzaine de jours, de la probable extradition de Abdelmoumen Khalifa vers l'Algérie par les autorités britanniques. Du moins, le président de la commission des droits de l'homme avait certainement l'information qu'il s'avisa, néanmoins, de dévoiler en des termes sybillins pour éviter de paraître comme un violeur de secret, quitte à passer pour un mauvais plaisantin au moment où à Blida les avocats de la défense demandaient la comparution de tous ceux qui, au sein du pouvoir (donc de l' Etat), avaient directement ou indirectement trempé dans la corruption et aidé l'exilé de Londres à construire son escroquerie. L'arrestation puis la remise en liberté sous caution du principal accusé dans l'affaire d'El Khalifa Bank qui tire à sa fin a donc constitué pour la presse nationale le fait marquant de la semaine, malgré le fait que ce contrôle policier opéré par les Britanniques datait déjà de quelques jours, un scoop qui pour une fois n'a pas échappé à notre télévision, puisque l'information a été relayée respectivement par le chef du gouvernement qui a profité de son discours à l'APN pour confirmer la mise en examen de Abdelmoumen Khalifa, et le ministre de l'Intérieur Nouredine Zerhouni qui, lui, a en direct saisi l'occasion de sa visite au CNERIB pour déclarer : “La police judiciaire britannique a interpellé Abdelmoumen Khalifa. Il est sous contrôle judiciaire et la procédure de son extradition est toujours à l'étude.” Si Farouk Ksentini avait pris des gants pour essayer de mettre l'opinion publique au parfum, il a fallu tout de même qu'une grosse pointure officielle vienne au secours de l'Unique pour parler d'un sujet classé “dangereux” à la télévision, qui pourrait par conséquent faire de grosses vagues si on ne le maîtrise pas, mais qui pourtant n'a pas cessé de hanter le petit écran depuis que la justice s'est saisie de cet incroyable dossier. Il faut dire que tous les invités du Forum de l'ENTV ont eu leur part d'angoisse — en tous cas de gêne — quand les journalistes, pour tenter d'en savoir un peu plus, ou carrément pour lever un tabou qui devenait trop pesant, abordaient sans complexe l'affaire Khalifa. Mais aucune personnalité officielle n'a osé aller au bout de ses pensées où l'on devine qu'il y a des lectures autres que celles livrées au public. En ayant gentiment une réponse diplomatique du genre “ il faut laisser la justice faire son travail”, ces interlocuteurs ont préféré, en réalité, adopter une attitude défensive pour éviter toute mauvaise interprétation. Par les temps qui courent où tout devient incertain, il est de bon ton de jouer la carte de la neutralité, surtout si on a le souci de protéger une carrière administrative ou politique qui pourrait être mise à mal. C'est fou ce que l'affaire Khalifa a montré comme fragilité dans notre système. Et aussi comme retournements ! Le fait que le procès s'est illustré par de fracassantes révélations impliquant des gens du sérail a forgé bien des carapaces. On se méfie désormais de tout et, pour éviter toute insinuation qui pourrait devenir compromettante, on force sur la langue de bois en se disant qu'on n'est jamais trop prudent pour prendre ses distances avec un scandale aux tentacules impressionnantes et imprévisibles. Jusque-là, on pensait que les hommes politiques, contrairement aux dirigeants qui ont des responsabilités étatiques assorties d'une obligation de réserve bien comprise, avaient le privilège d'une certaine liberté de réflexion, voire d'expression pour ne pas avoir à redouter de se prononcer sur l'affaire Khalifa. Notamment les hommes politiques qui se réclament de l'opposition. Il n'en est rien si on se réfère au passage du président du FNA, Moussa Touati, qui en inaugurant le cycle des interviews consacrées aux partis politiques probablement dans le contexte des prochaines élections législatives, n'a pas fait de l'affaire Khalifa un sujet d'attaque contre le système. Il faut attendre peut-être des contradicteurs plus convaincus de leur combat pour défrayer la chronique, à condition bien sûr que le direct soit maintenu. Cela dit, si le journal Le Monde est revenu sur la grande arnaque du golden boy en montrant comment Catherine Deneuve a succombé, au même titre que de nombreux autres artistes de renom, à l'attrait de l'argent gagné facilement, c'est la chaîne qatarie Al Jazeera, connue pour l'hostilité virulente qu'elle porte sur l'Algérie, qui a tenté d'apporter son grain de sel en se mettant du côté de Abdelmoumen. Cette chaîne qui lui a déjà ouvert son plateau affirme en effet que ce dernier ne risque rien, car la police britannique n'a aucune charge contre lui. On verra bien...