Mahmoud Cheboub est un capitaine d'industrie atypique qui s'est fait tout seul, à la force des bras. Patron d'une tannerie (Mitidja) dans la pure tradition familiale, il essaie avec ses deux lieutenants, en fait ses deux fils, l'un ingénieur en peau et l'autre juriste, de pérenniser cette activité qui a tendance à se faire plutôt rare. Depuis 1996, l'usine sise à Rouiba fonctionne avec des hauts et des bas, mais a continué à activer malgré tous les aléas en préservant l'outil de travail et l'emploi. 65 ouvriers s'activent tous les jours pour donner vie aux deux unités qui comptent parmi les plus entreprenantes dans le paysage de la tannerie nationale. Cela n'a pas été de tout repos, nous explique Mahmoud Cheboub qui nous retrace l'histoire de la tannerie Mitidja qu'il dirige. Les problèmes qu'elle a rencontrés, les conséquences de l'effondrement de l'industrie du cuir publique, le manque de matière première et fait nouveau, depuis quelque temps, une concurrence déloyale « d'une filière turco-égypto-syrienne qui s'empare de nos richesses sans investir un sou et qui accapare le gros du marché quand il y a une forte demande sur le marché national, ils viennent piller nos richesses. Ce sont des gens qui ne sont là que lorsque leur intérêt le commande. Ils ne paient aucune charge et viennent acheter le produit fini, causant une concurrence déloyale. Nous qui avons investi, créé de la richesse et des emplois, sommes lourdement pénalisés », indique le patron de la tannerie qui sait de quoi il parle puisqu'il est au fait de tout ce qui se fait dans le domaine à travers le monde. Il est membre de plusieurs associations internationales et du conseil d'administration de l'Organisation africaine du cuir, dont le siège est à Naïrobi et membre de la Tannerie et Mégisserie algériennes. Pour étayer ses propos, M. Cheboub fait savoir que lorsque le prix du cuir au marché de Chicago, qui est une référence, est de 2800 $ la tonne, ces pilleurs viennent l'acheter chez nous à 1000 $. Il y a comme une sorte de fuite des capitaux. Avant, la vente était administrée et on pouvait contrôler le marché, ce n'est plus le cas aujourd'hui. M. Cheboub ne cache pas que son activité est lourdement perturbée sur le marché local, puisque parfois son entreprise a de la peine à trouver la marchandise demandée, au même titre d'ailleurs que ses collègues du CMCP d'Oran, de la tannerie Kehri d'Alger, celle de Smaïl Cheboub ou encore de Khenifer de Jijel. Les entreprises publiques, à l'instar de la tannerie des Hauts-Plateaux à Djelfa, la tannerie Tafna à El Amira, Tedj de Jijel et Mega de Batna, sont exposées aux mêmes tracas. La tannerie de la Mitidja, forte de ses structures et de la politique judicieuse, engagée par son patron, poursuit ses activités et espère que les pouvoirs publics prendront les mesures nécessaires pour endiguer ce fléau de pillage, en faisant respecter un cahier des charges qui préserve l'intérêt de l'économie nationale. « Nous sommes optimistes », lance M. Cheboub, plusieurs fois honoré lors des foires internationales, meilleur exportateur et détenteur du trophée de Frankfurt avec certificat de qualité et Prix de la municipalité de Pékin. « Les pays les plus développés dans le domaine s'adressent à nous pour leurs achats, car ils savent que nous sommes les premiers à l'échelle internationale dans la confection de la peau de chèvre et de mouton. Récemment encore, les Américains ont réceptionné 3 de nos conteneurs à New York. » M. Cheboub espère que le problème de la peau brute, matière première des tanneries, sera réglé pour éviter les difficultés d'approvisionnement et la concurrence déloyale qui sévit, eu égard aux prix plus attractifs affichés en direction des exportateurs et qui risquent de miner un secteur qui subit des dysfonctionnements fort préjudiciables. Alors que certains pays comme l'Inde et le Pakistan ont pris la décision d'interdire l'exportation de leur cuir, le cuir algérien semble ne pas avoir trouvé sa voie. Une mise à niveau s'impose pour éviter à ce secteur de sombrer…