L'expérience de coopération qu'a vécue la tannerie Sahraoui de Mostaganem avec deux investisseurs turcs a été un échec qui a levé le voile sur les véritables objectifs et desseins de ce partenariat. “À moins qu'un énergique holà soit mis, c'est toute l'industrie nationale de transformation des peaux et cuirs qui risque l'extinction !” Ce n'est pas un profane, mais un professionnel de la filière qui tire la sonnette d'alarme. Un professionnel dont l'établissement parental, la tannerie Sahraoui de Mostaganem en l'occurrence, a vécu et vit encore l'expérience perverse et amère du partenariat algéro-turc. Aujourd'hui, la tannerie est à l'arrêt et éprouve de grandes difficultés à reprendre son activité, et pour cause ! En dépit de quatre décisions de justice définitives en sa faveur, l'établissement est incapable de récupérer ses 250 millions de centimes représentant les redevances locatives d'un local aménagé, dont sont redevables les sociétés turques Orient-Cuir, Métro-Cuir et Méga-Cuir, qui en fait, appartiennent à deux frères turcs. En vertu d'un marché de sous-traitance, le partenaire turc devait assurer l'assistance technique pour renforcer et soigner l'activité de traitement des peaux destinées à l'élaboration d'un produit fini répondant aux normes de l'exportation. Du côté partenaires étrangers, les desseins étaient autres. D'assistance technique, il n'y en aura point. Tout en profitant des documents de conformité exigés pour l'exploitation d'un établissement classé, les partenaires turcs voulaient faire de la tannerie, un dépôt et un local de conditionnement des peaux collectées en vue de leur exportation à l'état brut vers la Turquie ! Le divorce est consommé au bout d'une année à peine. Les opérateurs turcs, qui s'installeront également à Relizane, ne payeront aucun centime au fisc. “Jouissant de la complicité d'un huissier et en trompant la vigilance du notaire et du directeur du commerce, les deux compères turcs se sont retrouvés titulaires d'un registre du commerce pour l'exploitation d'un établissement classé, sans débourser un seul dinar mais surtout sans disposer d'une quelconque installation requise”, rapporte-t-on dans la requête adressée à Mme le wali de Mostaganem. Par voie de justice et d'huissiers, les deux comptes bancaires des frères poursuivis en justice ont bel et bien été bloqués mais il n'y avait rien à soustraire ! Les comptes ouverts à Mostaganem et Relizane ne sont jamais alimentés ! À la faveur du commerce informel, en plein essor, les deux ressortissants turcs opèrent en payant cash et en espèces les peaux qu'ils expédient presque en l'état en Turquie. À l'amont de la filière, une foule de collecteurs a investi le terrain, du Tell au fin fond des Hauts-Plateaux. Ainsi, des milliers de peaux transitent par un dépôt à Mostaganem.Sommairement traitées par saupoudrage de sel, elles sont acheminées, par conteneurs entiers, vers Alger, d'où elles repartiront pour les unités de transformations turques.Ce commerce, vraisemblablement douteux, opéré en vertu de certificats d'abattage de complaisance, selon la partie plaignante, perdure depuis quelque deux années. Au grand dam des industriels nationaux qui risquent la faillite, l'ampleur du trafic est inquiétant. Timide au départ, c'est une vingtaine de conteneurs, soit quelque 50 000 peaux, le plus souvent chargés le vendredi afin d'éviter les contrôles inopinés, qui ont pris, cette année, le chemin d'Istanbul à partir de Mostaganem. M. O. T.