C'est connu et même archi-connu, il ne faut jamais dire jamais. C'est le cas des Américains qui ont leur propre liste de pays qu'ils jugent proches, amis, alliés, hostiles ou ennemis. Ils ont pour cela leurs propres critères et entendaient s'en tenir là, sauf que la question irakienne dans laquelle ils sont empêtrés, les a amenés à reconsidérer leur position. Ils ont tout simplement mis fin à leur inflexibilité envers l'Iran et la Syrie, chacun de ces deux pays figurant sur une liste séparée. Il apparaît en effet improbable que le Premier ministre irakien, qui a convoqué une conférence internationale supposée aider son pays à sortir de la spirale de la violence, ait invité qui il veut sans l'aval des Etats-Unis. Et surtout pas l'Iran suspecté par les pays de la région de vouloir imposer son influence à leur détriment, ou tout simplement rompant un équilibre, avec le risque que cela constitue comme détonateur de nouvelles violences ou de luttes d'influence. Depuis samedi, la glace s'est brisée ; et les Etats-Unis se sont mis à parler avec ceux qui apparaissaient comme leurs ennemis les plus irréductibles. Et dans ce cas, il s'agit de l'Iran même si la forme utilisée est celle de la critique. En effet, les Etats-Unis ont directement reproché à l'Iran des ingérences sur le territoire irakien, des accusations que Téhéran a rejetées, au cours d'une conférence internationale samedi à Baghdad, a indiqué l'ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad. Dans un entretien à la chaîne de télévision NBC, M. Khalilzad a indiqué qu'il avait parlé à son homologue iranien durant quelques minutes à l'ouverture de la conférence sur la sécurité en Irak, réunissant les voisins de Baghdad et les grandes puissances. Même s'il a reconnu qu'il n'y avait pas eu d'entretiens directs « substantiels » entre l'Iran et les Etats-Unis, M. Khalilzad a indiqué qu'il avait soulevé auprès de son interlocuteur la question de la fourniture présumée d'armes par l'Iran aux insurgés irakiens. Lors d'une conférence de presse, l'ambassadeur américain avait indiqué qu'il avait eu des discussions « constructives et efficaces » avec les Iraniens à propos de la sécurité en Irak. « J'ai rencontré directement les représentants iraniens et je les ai aussi rencontrés en présence d'autres délégués. J'ai également discuté avec eux autour de la table des négociations. Je leur ai fait part de mes préoccupations », a affirmé M. Khalilzad. « Les discussions avec les Iraniens et les autres (délégués, ndlr) sur l'Irak ont été constructives et efficaces. On verra évidemment ce qu'il adviendra dans l'avenir en ce qui concerne l'approvisionnement en armes et le soutien aux milices », a ajouté l'ambassadeur américain. Un grand nombre de sujets ont été abordés dans ces discussions, a-t-il précisé. « Il y a eu des échanges directs entre les délégations américaine et iranienne », a affirmé pour sa part le ministre des Affaires étrangères irakien, Hoshyar Zebari. « Ces discussions avaient pour unique objet la sécurité en Irak », a-t-il précisé, coupant court aux rumeurs selon lesquelles les deux pays auraient pu évoquer le programme nucléaire iranien. Cet échange durant cette conférence a constitué un des rares moments de discussions directes entre responsables iraniens et américains. « L'ambiance générale était au travail, les échanges constructifs, personne ne tapait du poing sur la table, les discussions étaient assez, comment dire, ordinaires, et il y a eu des échanges francs, parfois même enjoués », a déclaré l'ambassadeur américain. Washington n'a plus de relations diplomatiques avec Téhéran depuis des décennies et a refusé de dialoguer directement avec l'Iran jusqu'à ce que Téhéran gèle son programme nucléaire. Mais ces dernières semaines, les Etats-Unis sont apparus plus ouverts à une communication directe avec l'Iran. A ce stade, M. Khalilzad a naturellement minimisé l'idée d'un changement dans la politique américaine. « La réunion d'aujourd'hui avait lieu dans un cadre multilatéral et elle se focalisait sur l'Irak à l'invitation du gouvernement irakien. Donc, à mon sens, ce n'est pas un changement de politique mais quelque chose que nous disions que nous ferions déjà depuis un certain temps. » L'idée avait été suggérée par la Commission Baker du nom de l'ancien secrétaire d'Etat américain dans un rapport sur les moyens de sortie de crise d'Irak, mais avait été fermement repoussée par le président George W. Bush. De son côté, l'Iran, sous embargo et frappé d'isolement par les Etats-Unis, revendique un statut particulier et attendait ce contact. La réponse peut venir par d'autres canaux, et le premier qui soit ouvert est celui du Conseil de sécurité au sujet du nucléaire iranien. Pour le moment, c'est le silence. C'est le wait and see.