On aura même vu des personnalités publiques afficher une denture délabrée ou des acteurs édentés camper les premiers rôles. Dans les salles d'attente où règne souvent un climat d'angoisse, les langues se délient pour échanger des adresses de... chirurgiens-dentistes exerçant à l'extérieur de la wilaya. En effet, des citoyens qui peuvent se le permettre se déplacent jusqu'à Blida ou Alger pour des soins dentaires. Interrogés, certains diront ne pas trouver les compétences dans la wilaya où, selon eux, des dentistes se sont transformés en arracheurs de dents. Un autre citoyen dira : « Souvent, on a du mal à accéder aux soins, mais de plus ceux-ci sont de mauvaise qualité et on doit quand même payer. » Dans la salle de soins, c'est le silence qui règne. On s'installe sur le fauteuil comme sur un divan de psychanaliste de l'époque freudienne. On ose à peine ouvrir la bouche pour laisser passer ces instruments de torture. En un mot, on est à la merci de l'homme en blanc qui se transforme en bourreau et selon sa forme, il peut vous arracher des dents saines, vous en briser d'autres, provoquer des douleurs atroces, vous ne direz rien. Les exemples ne manquent pas. Les plus démunis n'accèdent pas aux soins Pour la population rurale habitant les douars enclavés, le problème se pose avec plus d'acuité. En effet, en plus des distances à parcourir, ces citoyens arrivent chez le dentiste quand des rages de dents se déclarent. Démunis, ils ont rarement recours aux soins et optent pour l'arrachage, seule solution pour eux de mettre un terme à la douleur. Par ailleurs, dans le secteur public, la situation n'est pas des plus optimistes puisqu'il existe un spécialiste au niveau du secteur sanitaire du chef-lieu de wilaya pour 6771 habitants. En outre, signalons le recrutement récent de six chirurgiens-dentistes. En tout, la wilaya compte plus d'une centaine de chirurgiens-dentistes, une couverture non seulement déficitaire mais mal répartie puisque concentrée surtout en agglomération à forte concentration urbaine. Les jeunes sujets victimes de l'indifférence des uns et de l'inconscience des autres Selon un récent rapport établi par la commission de la santé et de la population de l'APW, sur 93 661 élèves examinés en 2003, 63,40% souffrent de caries dentaires. Cette situation est due, selon le même rapport, à l'insuffisance des moyens mis en œuvre, notamment dans les établissements scolaires pour prévenir, sensibiliser à travers des séances éducatives en collaboration avec les gens de la profession sur les maladies de la bouche. Par ailleurs, l'insuffisance des fauteuils dentaires et la vétusté de ceux qui existent dans les secteurs sanitaires ainsi que l'encadrement déficitaire rendent difficile une prise en charge effective des jeunes sujets. Rappelons, pour clore ce volet, que 10 713 brosses à dents et tubes de dentifrice ont été distribués en 2003 au niveau des unités de dépistage et de suivi, mais cette opération n'a pas été renouvelée pour l'année 2004. L'état doit faire plus d'efforts Tout d'abord, prenons l'avis de ce chirurgien-dentiste rencontré à Khemis Miliana dans son cabinet presque désert. « Vous voyez, on chôme », fera-t-il remarquer et en réponse aux griefs des citoyens, il évoquera d'abord l'état dans lequel se présente chaque client puis il rendra responsable le citoyen de ne pas s'occuper convenablement de son hygiène buccale. Il regrettera par ailleurs que les conditions d'exercice ne soient pas les mêmes qu'à Blida ou à Alger par exemple où les patients mettent le prix pour soigner leurs dents. A Aïn Defla, ajoutera notre dentiste, « nous sommes confrontés à une population rurale, souvent démunie qui ne peut accéder à des produits qui nous reviennent chers, sachant que la Casoral applique une tarification qui date des années 1980. » Enfin, pour le citoyen, l'Etat doit jouer pleinement son rôle pour assurer le bien-être des plus démunis et faire en sorte que les soins dentaires ne soient plus un luxe, mais un remède à un mal doublement ressenti car il vous empêche d'être à l'aise en société en encourageant l'installation dans les zones rurales de spécialistes en leur offrant toutes les commodités sociales et professionnelles, en envisageant également de faire appel à des compétences étrangères. De cette façon, on pourra voir autour de nous davantage de sourires radieux.