Les efforts perceptibles déployés par Alger et Madrid pour éviter que la visite en Algérie du roi d'Espagne, Juan Carlos 1er, ne se focalise sur des dossiers sur lesquels les deux capitales n'ont pas la même appréciation comme, par exemple, celui du conflit du Sahara occidental, se sont avérés vains. La faute n'incombe pas forcément à l'Algérie. Le président Bouteflika, pour mettre à l'aise son invité de marque, a pris le soin d'éluder la problématique du Sahara occidental lors du toast prononcé à l'occasion du déjeuner officiel offert en l'honneur du souverain espagnol. Plutôt que d'évoquer les sujets qui fâchent, le président Bouteflika a préféré centrer sur la qualité du partenariat patiemment construit par l'Algérie et l'Espagne depuis la fin des années 1990. Partenariat pour lequel il a beaucoup fait. Le chef de l'Etat s'est ainsi dit convaincu que la visite en Algérie du roi Juan Carlos « (…) contribuera à donner une impulsion nouvelle aux relations entre nos deux pays, dans la continuité d'un partenariat exemplaire en termes de confiance et de respect mutuel ». La qualité de l'accueil réservé à la visite du souverain espagnol n'a toutefois pas suffi à faire oublier, dans l'opinion, les dégâts causés par l'alignement presque inconditionnel du gouvernement Zapatero sur les positions marocaines concernant le dossier du Sahara occidental. C'est ainsi que la venue du souverain espagnol en Algérie a constitué une opportunité pour de nombreux médias algériens de critiquer la position adoptée par le royaume d'Espagne à l'égard de la problématique du Sahara occidental, un conflit vieux de plus de trente ans. L'ambiance assez lourde provoquée justement par le reniement par le chef du gouvernement espagnol de la légalité internationale a, en tout cas, contraint le roi Juan Carlos à parler, lors d'un discours prononcé juste après celui du président Bouteflika, du Sahara occidental sans qu'il n'ait été invité explicitement à le faire. Le souverain espagnol craint-il que le flirt poussé de la gauche espagnole avec la monarchie marocaine constitue, à terme, une menace pour les relations algéro-espagnoles ? Possible. D'ailleurs, de nombreux observateurs spécialisés n'hésitent pas à interpréter la décision récente du gouvernement algérien d'augmenter les prix de son gaz comme une manière de montrer son mécontentement à Madrid, capitale qui jusque-là avait plutôt bénéficié d'un traitement préférentiel. Cet élément pourrait vouloir dire que les deux pays commencent à ne plus se faire totalement confiance. C'est ainsi que contrairement à l'« intérêt » trouvé par Zapatero au « nouveau » plan marocain de règlement du conflit du Sahara occidental, le roi d'Espagne a souligné pour sa part l'urgence d'une solution politique « juste et durable », prévoyant la libre détermination du peuple sahraoui. « Il est urgent, comme l'a récemment souligné mon gouvernement, de trouver une solution politique juste, durable et acceptable par les parties sur la question du Sahara occidental, une solution prévoyant la libre détermination de ce peuple et passant par un dialogue des parties dans le cadre des Nations unies », a-t-il affirmé. Par ses déclarations, Juan Carlos tranche avec le suivisme du gouvernement Zapatero. Mais en prenant le soin de ne pas désavouer « son gouvernement » et de ne pas parler du plan Baker, il entretient une sorte de suspense qui expose sa position à toutes les interprétations. C'est probablement cette difficulté pour l'Espagne de bâtir sa politique étrangère sur des fondamentaux clairs qui contraint aujourd'hui l'Algérie à réajuster ses politiques à l'égard de ses « amis ».