Quelle lecture faites-vous du changement de position qu'affiche le gouvernement espagnol vis-à-vis de la question du Sahara occidental ? Comment expliquez-vous le revirement ? C'est vrai qu'il y un infléchissement de la position de l'Espagne sur le Sahara occidental. Il est clair que depuis deux ans, le gouvernement de Zapatero a choisi de défendre la thèse marocaine, non seulement en Espagne, mais également auprès de ses pairs européens qu'il tente de convaincre de la nécessité de stabiliser le Maroc. Le gouvernement espagnol ne cachera pas son sentiment sur la question : le Sahara occidental représente, selon lui, la première menace à la stabilité du Maroc, ce qui l'amène à exclure de fait l'indépendance du Sahara. C'est la même position que défend la France depuis une dizaine d'années et qui n'était pas partagée par l'ex-gouvernement de droite de José Maria Aznar. Cette nouvelle situation a créé un certain déséquilibre diplomatique dans la région. Est-ce un alignement sur la position française ? On ne peut pas vraiment dire que les Espagnols se sont alignés sur la position de la France. Les deux pays partagent actuellement la même position et celle-ci se résume à exclure l'option de l'indépendance du Sahara occidental sous le prétexte que cela menacerait la stabilité du Maroc. Quelles seront les implications de cette nouvelle prise de position ? L'Espagne est considérée par l'Onu comme la puissance administrante du Sahara occidental, elle a une responsabilité historique et elle se doit en conséquence de rechercher les moyens nécessaires à la mise en place du plan de paix onusien. Or nous constatons aujourd'hui que l'Espagne s'est éloignée de sa position traditionnelle. Le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas écarté hier l'hypothèse d'une reprise des hostilités entre le Front Polisario et le Maroc si les solutions diplomatiques échoueront ; pensez-vous qu'on peut réellement être dans ce schéma ? Ah oui. C'est un scénario très plausible. Les Sahraouis n'auront plus d'autres choix que de recourir à la guerre si l'option diplomatique s'avère infructueuse. Pensez-vous que l'Algérie use actuellement de l'arme du gaz comme moyen de pression pour infléchir notamment la position espagnole ? Non. Je n'y crois pas. Je pense plutôt que les pays du sud de l'Europe, l'Espagne et la France entre autres, ne mesurent pas la valeur et l'étendue de l'engagement algérien en faveur de la sécurité de leur approvisionnement énergétique. Ils nous le rendent très mal. On ne cesse de demander à l'Algérie d'assurer la sécurité de l'approvisionnement des marchés espagnols, italiens et français, d'être le bouclier contre les flux migratoires, de collaborer dans la lutte antiterroriste, en mettant à la disposition de ces pays son expérience dans le domaine, et en contrepartie, nos partenaires prennent des positions diplomatiques qui nous déstabilisent. Tout récemment, un important contrat d'armement a été signé entre le Maroc et l'Espagne, pensez-vous que cela à une quelconque influence ? Nous avons tous les droits en tant qu'Algériens de nous inquiéter des programmes d'armement lancés par nos voisins. Ce que je peux vous dire, c'est qu'actuellement, il existe, incontestablement, une stratégie visant à isoler l'Algérie. Que pensez-vous de la manière avec laquelle est défendue ces dernières années la cause d'indépendance du Sahara occidental, autrement dit, quel jugement portez-vous sur l'action de la diplomatie algérienne ? Les soutiens diplomatiques de la France et de l'Espagne aux thèses marocaines n'ont pas manqué de produire leurs effets et d'influencer les soutiens traditionnels apportés à la cause du Sahara occidental. Il faut considérer cela comme une hostilité à l'égard de l'Algérie et un refus de la légalité internationale. La position de l'Algérie en elle-même est une position de principe. Elle n'a donc pas changé.