Jamais, certainement, la question du Sahara-Occidental n'avait bénéficié de cet intérêt tout particulier comme durant l'été dernier. Tout avait commencé en juin dernier, avec la démission avec beaucoup de fracas de James Baker de son poste d'envoyé spécial du secrétaire général. Mais l'ancien chef de la diplomatie américaine a refusé de s'astreindre à une quelconque obligation de réserve et pris sur lui de donner les raisons de son départ, il est vrai inattendu, toutes liées au blocage du plan de paix. Même là, il ne s'est pas contenté de généralités pour avoir clairement déclaré que le Maroc en est l'unique source. C'est depuis cette date que l'on assiste à une certaine activité en liaison avec ce conflit, avec l'Espagne comme centre sinon comme principal animateur. Depuis le changement de majorité, la nouvelle équipe s'attelle elle aussi à mettre en œuvre une politique dite maghrébine incluant le Sahara-Occidental pour le règlement duquel Madrid a d'abord fait des suggestions. Le tout nouveau ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos a même sondé les Algériens qui ont déclaré que le peuple sahraoui avait ses propres réprésentants et qu'ils demeurent attachés au droit de ce peuple à l'autodétermination. L'on constatera tout de même, et jusqu'à preuve du contraire, que le changement de majorité en Espagne est aussi celui de la politique de ce pays. Le précédent gouvernement de droite, rappelle-t-on, avait clairement déclaré que ce conflit relevait de la décolonisation et avait même indiqué que l'Europe avait la même position à l'exception d'un seul que l'on devinait être la France. Mais cette fois, les socialistes font face à une formidable poussée de la société civile avec ses milliers de comités de soutien aux Sahraouis afin d'amener les hommes politiques à réparer une injustice commise justement par l'Espagne. Le PSOE, également interpellé par des centaines d'intellectuels et par un vote du Sénat auquel lui seul n'a pas pris part, entend y répondre, sauf que la réponse qu'il envisage ne semble pas la plus appropriée. Depuis cette date, Madrid multiplie les déclarations pour impliquer au moins la France. A entendre l'Espagne, les deux pays seraient cette fois sur la même position. Mais laquelle au juste ? C'est le président français Jacques Chirac qui déclarait aux Marocains, en décembre dernier, qu'il avait un problème avec l'Algérie à cause du Sahara-Occidental. Etait-ce une manière de dire aux Marocains à quel point la France qui a été jusqu'à lancer sa propre aviation de guerre contre les Sahraouis était conséquente avec elle même, et éviter par conséquent l'oubli susceptible de causer énormément de dommages, ou alors de les inciter à faire preuve d'imagination du moment que tous leurs arguments ont été rejetés ? Depuis, Paris tente de promouvoir, en vain, une solution politique qui contournerait le plan de paix onusien. Alger refuse d'être impliquée dans quoi que ce soit sauf s'il s'agissait de mettre en œuvre le plan de l'ONU, une opération, a affirmé Abdelaziz Belkhadem, à laquelle les Algériens sont disposés à apporter leur contribution. Souvent cités eux aussi, les Etats-Unis, qui ont décidé d'octroyer au Maroc le statut d'allié majeur non OTAN, ont traité cette question de manière indirecte. L'accord de libre-échange conclu avec le Maroc exclut, en effet, le territoire du Sahara-Occidental. Une arme de destruction massive, concluront certains analystes puisque Washington considère le Sahara-Occidental comme un territoire occupé. Ce qui explique aussi le retrait de certaines compagnies pétrolières sensibles à l'avis du conseiller juridique de l'ONU rendu en janvier 2002, et selon lequel, le Maroc était une puissance occupante. Ce point, même traité de manière indirecte, est extrêmement important, et il constitue un appui ouvert au plan de l'ONU en faveur duquel les Américains se sont prononcés avec régularité. Cette somme d'éléments a littéralement assommé les Marocains en perte de vitesse comme l'a constaté leur presse toujours bridée sur ce sujet, pour n'avoir jamais rapporté ce qu'elle-même a considéré comme un double discours. Autrement dit, les contacts et les négociations entre le royaume et le Front Polisario, les derniers en date, devaient, semble-t-il, avoir lieu en Afrique du Sud en septembre dernier, mais annulés in extremis, le Maroc s'étant encore une fois rétracté. Et tout a culminé par l'établissement de relations diplomatiques entre l'Afrique du Sud et la RASD (République arabe sahraouie démocratique). Et nul doute que toutes les manœuvres vont s'accentuer pour tenter d'influencer la réunion du Conseil de sécurité consacrée à cette question, avant la fin de ce mois. Tout devrait être mis sur la table, comme les raisons du départ de James Baker qu'il faut bien analyser, le nom de celui qui le remplacera et également les conclusions de la tournée maghrébine d'Alvaro de Soto en août dernier, représentant de Kofi Annan pour le Sahara-Occidental.