Voilà encore une fois les Marocains en campagne contre l'Algérie accusée de tous les maux - aussi nombreux que graves - qui affectent le royaume alaouite de manière durable. Et curieusement, cette opération menée par les plus hauts responsables et les médias marocains intervient à moins de deux semaines d'un débat au Conseil de sécurité, régulier il est vrai, mais au caractère crucial avéré après la démission avec fracas de James Baker de son poste d'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU. Entre temps, la commission de décolonisation a, quant à elle, dressé un constat amer dans son traitement de la question du Sahara-Occidental, en restant constante dans sa position, celle qui consiste à dire que cette affaire relève strictement de la décolonisation. Ce qui ne va pas sans contrarier la position du Maroc, partie au conflit avec le Front Polisario. Selon ce pays, l'Algérie est responsable du « blocage » de toute solution politique dans le conflit. Rien de moins, c'est ce qu'a affirmé vendredi dernier le représentant de ce pays à l'ONU oubliant comme l'attestent les archives de cette organisation que c'est ce pays qui est à l'origine du blocage du plan de paix international. Mais c'est surtout pour passer à autre chose, qui consiste dans ce cas précis à appeler l'Algérie à un « débat » pour, ultime phase déjà évoquée par la presse du royaume, empêcher « l'embrasement » de la région. Pour les milieux diplomatiques, la seule chose sérieuse est cette menace brandie depuis quelques jours suggérée au départ aux médias du royaume. Mais cette fois, elle est le fait d'un officiel auquel Alger refuse d'apporter le moindre élément de réponse. Pour éviter toute polémique inutile et éviter de donner le moindre crédit à la démarche marocaine qui entend à tout prix bilatéraliser cette question avec l'Algérie. Une question au demeurant tranchée par l'ONU qui a établi avec exactitude l'identité des deux parties en conflit, ce que l'une et l'autre ont accepté dans le cadre de leurs négociations directes et les accords auxquels elles sont parvenues, et que les instances internationales avaient endossé. Il s'agit principalement de ce qui est devenu la résolution 690 portant plan de paix conclu en 1990, et des accords de Houston signés par les deux parties en septembre 1997 sous l'égide justement de James Baker. C'est pourquoi, Rabat est constamment rappelé à ses engagements internationaux, mais le voilà cherchant à faire croire par la voix de son ambassadeur devant la commission de décolonisation de l'ONU que « le différend régional sur le Sahara oppose deux pays voisins, le Maroc et l'Algérie ». Ce qui est déjà totalement rejeté, et Mohamed Bennouna le sait parfaitement bien pour avoir fait partie de toutes les délégations de son pays aux négociations avec le Front Polisario et aux discussions avec James Baker. Tout compte fait, l'intention du Maroc n'est pas nouvelle, ce qui l'est par contre, ce sont ces menaces d'embrasement sans précision aucune, parce qu'à ce stade, il en faut. Est-ce l'Algérie qui est visée ? Sans doute oui si l'on suit le cheminement de la presse marocaine qui a décortiqué le programme d'armement algérien. La même suggestion peut se retrouver dans les propos de l'officiel marocain au blocage imputé, à tort bien entendu, à l'Algérie. « L'Algérie, a-t-il ainsi déclaré, prend la lourde responsabilité du blocage du processus de recherche d'une solution politique concernant le Sahara marocain, tout comme elle a fermé la porte à la construction du Maghreb », une question à laquelle les réponses sont faciles. Il n'y a dans un cas qu'à relire les derniers rapports de Kofi Annan, et de l'autre la demande marocaine de geler le fonctionnement de l'UMA, qui rétablit les faits. C'était en 1995, et la lettre officielle était signée par Abdelatif Filali, alors ministre marocain des Affaires étrangères. Depuis cette date, la situation n'a guère évolué, et l'Algérie n'a pas changé de position.