Ça se passe à quelques centaines de kilomètres d'Alger, mais l'histoire n'a pas fait la une des journaux. Pendant qu'il neigeait dans le Nord, offrant aux enfants et adultes attardés la chance de jouer avec les flocons blancs, il « sablait » dans le Sud. Résultat – provisoire – des terribles vents de sable qui ont frappé les régions sahariennes et subsahariennes du Sud-Ouest, 30 000 moutons morts, 1000 palmiers engloutis et des centaines d'éleveurs au chômage. Cette catastrophe naturelle qui n'a pas été répertoriée en tant que telle est pourtant la plus grosse depuis les séismes et les inondations. On ne se l'imagine pas vraiment, mais le sable tue aussi, au même titre que trop d'eau, trop de froid, trop de tabac ou trop de GSPC, et emporte des vies avec lui, à l'instar des épidémies et des dictatures « batatières ». Le grain de sable, molécule parfaite de silicium, a ce pouvoir. Celui, seul comme un islamiste ou un apparatchik corrompu, de ne rien faire, mais regroupé avec ses collègues de détruire en une nuit des oasis que des hommes ont mis 1000 ans à construire. Ce sable, inodore et sans saveur, est le même que celui que les unités militaires placent devant eux pour amortir les balles, le même que celui que les entrepreneurs volent sur les plages, le même que celui que les touristes rêvent d'aller ramasser dans le désert. Comme sa belle-mère ou son méchant voisin, le grain de sable possède ce pouvoir particulier de corroder, d'engloutir, de miner et d'enterrer, placé à l'intérieur d'une machine qui tourne, de lentement la faire déraper vers l'inconnu. Les Algériens ne le savent pas vraiment, mais 80% de leur territoire est couvert par le sable. S'il venait par émeute nationale à se lever d'un seul coup, partout et en même temps, le peu que l'Algérie a construit sera englouti. Quand le désert avance, tout le reste recule. D'où la nécessité d'avancer.