Rarement un sommet arabe a connu une telle préparation quand bien même elle n'était pas dans l'ordre des choses, mais c'est le contexte international qui en a fait une réelle nécessité. On allait assister à un sommet ordinaire — ce qui est prévu dans les statuts — et rien d'autre. Une simple formalité que les Saoudiens, hôtes du sommet qui s'ouvre aujourd'hui à Riyad, allaient accomplir. Mais il y a cette guerre en Irak, la crise politique au Liban, le risque d'un autre conflit en Iran, les fractures au sein du Quartette international qui obligent ses membres les plus influents à voir les choses autrement. « L'ordre du jour porte sur toutes les questions d'actualité qui intéressent la région : le conflit arabo-israélien, l'Irak, le Liban, le Darfour (Soudan), la Somalie, en plus des aspects économiques et de la coopération avec les différents regroupements régionaux (Union européenne, Amérique, Chine, etc.) », selon des délégués. « Il y a aussi un nouveau point inclus à l'ordre du jour du sommet qui concerne le dialogue des civilisations », a-t-on ajouté de même source. Le sommet arabe « doit surtout soutenir le gouvernement d'union nationale palestinien, récemment installé (à la mi-mars), pour mettre fin à l'embargo inacceptable et injuste imposé au peuple palestinien » après la victoire du Hamas aux législatives de janvier 2006. L'on retiendra aussi, et c'est elle-même qui le dit, que la secrétaire d'Etat américaine accomplit actuellement son quatrième voyage au Moyen-Orient en l'espace de tout juste quatre mois. Un record plutôt rare. Mais n'y voit-on pas l'effet du rapport Baker-Hamilton qui avait proposé une porte de sortie de la guerre en Irak pour la Maison-Blanche, ainsi qu'une ouverture sur d'autres dossiers comme la question palestinienne ? C'est ce qui a fait bouger aussi les Israéliens qui n'avaient pas hésité à ressortir l'offre arabe de paix adoptée il y a cinq années lors du sommet de Beyrouth. Et dire qu'elle avait été rejetée par Israël et ignorée par les Etats-Unis. Mais cela ne veut pas dire que celle-ci est acceptée in extenso. LA GRANDE INCONNUE A l'inverse, les Arabes viennent par le biais de leurs ministres des Affaires étrangères de réaffirmer la validité de ce plan qui prévoit une normalisation arabe des relations avec Israël contre le retrait total israélien des territoires palestiniens et arabes. Mais ils refusent de renégocier quelque passage que ce soit. A Riyad, les dirigeants arabes « insisteront pour que la communauté internationale et le Quartette (Etats-Unis, Onu, Russie et Union européenne) particulièrement acceptent de traiter avec le nouveau gouvernement palestinien sans sélectivité (entre ministres du Fatah et du Hamas) pour permettre aux négociations de paix de redémarrer », relèvent ces sources. Hamas, « en reconnaissant les accords signés par l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et en acceptant l'arrêt des violences, est allé dans le sens des demandes formulées par la communauté internationale », ajoute-t-on encore. Ces délégués ont soutenu que « des négociations (arabo-israéliennes) sur le statut final seront longues et difficiles mais l'important est qu'une première impulsion sérieuse soit donnée ». Le plan de paix arabe de Beyrouth de 2002 « constitue le seuil minimal des revendications arabes. Il ne saurait être changé. Il affirme le droit des Palestiniens à un Etat, sur les frontières du 4 juin 1967, avec El Qods comme capitale, et le droit du retour des réfugiés, selon la résolution 194 du Conseil de sécurité de l'Onu », ont souligné ces délégués. Ils ont affirmé que « si Israël accepte le plan arabe de paix, alors les pays arabes mettront fin à l'état de belligérance avec lui ». « Malheureusement, déplorent les mêmes sources, il y a certains Etats arabes qui pensent qu'avoir des relations normalisées avec Israël donnerait lieu à une nouvelle dynamique qui aiderait le processus de paix. C'est une approche erronée », a-t-on souligné. C'est la grande inconnue de ce sommet, voire une question déjà réglée pour ceux qui pensent qu'en décidant la création de « groupes de travail » afin d'essayer d'appliquer ce plan, les pays arabes ont entériné l'ouverture des négociations avec l'Etat hébreu. Lors de leur réunion préparatoire, les ministres arabes des Affaires étrangères ont appelé à la mise sur pied de « groupes de travail » pour entamer des contacts avec toutes les parties concernées. Le mouvement Hamas, qui dirige le gouvernement palestinien d'union nationale, s'est rangé à cette unanimité et les Arabes ont inclus une résolution exprimant « le soutien au gouvernement d'union palestinien ». Le chef du Hamas, Khaled Mechaâl, avait effectué dimanche une visite surprise à Riyad, la deuxième en quelques jours, au terme de laquelle il avait exprimé l'engagement de son mouvement à respecter toutes les décisions du sommet arabe. Un comité ministériel de onze pays créé en 2002 au sommet de Beyrouth et dirigé par l'Arabie Saoudite a été chargé de « former les groupes d'action parmi ses membres », a précisé l'un de ces deux ministres. Mais, a-t-il dit, « si le comité l'estime nécessaire, il pourra faire appel à d'autres pays arabes ». « Ces groupes de deux ou trois pays chacun entameront les contacts pour présenter le plan de paix arabe et notamment l'enregistrer au Conseil de sécurité de l'ONU », a-t-il dit. Une telle démarche peut constituer un véritable tournant dans la crise du Proche-Orient. Les Arabes auront ainsi accompli leur part du chemin susceptible de mener à la paix. Reste l'autre partie. Les discours seuls ne suffisent plus.