Pour tous les sommets arabes qui se sont succédé depuis 1948, parler de la crise du Proche-Orient revient à traiter des rapports avec Israël d'une manière ou d'une autre. Et en ce sens, le sommet de Fès en septembre 1982 a réellement marqué une autre phase dans ces rapports. Une rupture en fait, et les rencontres ultérieures n'ont fait qu'en prendre acte. Un point de la résolution finale a mis fin à des décennies d'opposition. C'était le fameux Plan Fahd, alors prince héritier saoudien, qui appelait à la reconnaissance de tous les Etats de la région et à leur existence dans des frontières sûres et reconnues. En d'autres termes, ce n'était rien d'autre qu'une reconnaissance de la résolution 242 du Conseil de sécurité adoptée en 1967 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut dire que depuis cette date, il y a eu Camp David en mars 1978, et le premier accord de paix séparé conclu entre un pays arabe, l'Egypte, et Israël, première violation de ce fameux consensus arabe sur la normalisation arabe avec Israël, et la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU de 1973 d'inspiration arabe après le sommet d'Alger tenu cette même année, stipulant un règlement global de cette crise. Mais à vrai dire, ce consensus est très peu cité ou peu de pays s'y réfèrent, l'Algérie l'ayant fait de manière explicite durant la décennie écoulée quand des pressions étaient exercées sur elle pour l'amener à normaliser ses relations avec Israël. Une telle période est intervenue dès la signature de l'accord palestino-israélien de 1993, et l'on se rappelle de quelle manière la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone avait présenté l'établissement de relations diplomatiques entre la Mauritanie et Israël. Une année auparavant, Israël et la Jordanie concluaient un traité de paix. En 1995 encore, alors qu'une certaine fébrilité s'emparait de la préparation de la Conférence économique pour la zone MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient), la normalisation en question revenait avec une certaine insistance. Les initiateurs de ce projet conçu comme le prolongement économique du processus de paix faisaient même de la reconnaissance d'Israël une forme de ticket d'accès. Et comme le lexique de la diplomatie est vaste, des pays arabes ont pris les devants en décidant l'ouverture de sections d'intérêt qui ne sont rien d'autre qu'une forme de reconnaissance quoi qu'on en dise. Et l'Algérie tenait bon en refusant de faire du suivisme, selon l'expression de ses responsables. C'est un Israélien nommé Benjamin Netanyahu, devenu Premier ministre en 1996, qui donnera parfaitement raison à l'Algérie, en décidant de casser la dynamique de paix. Une logique de guerre que dénoncera le sommet arabe du Caire réuni en urgence en juillet 1996 afin d'examiner les menaces de guerre proférées par Israël. Et l'une des décisions de cette rencontre a été de demander le gel du processus de normalisation. Les sections d'intérêt seront alors fermées. Mais pour combien de temps ? Le ministre israélien des Affaires étrangères a bien dit récemment qu'il y avait une liste de dix pays arabes susceptibles de nouer des relations avec Israël, sans dire lesquels. La prudence s'impose, car Israël est passé maître dans les coups médiatiques. Il reste qu'en mars 2002, soit au sommet de Beyrouth, les Saoudiens ont fait endosser par les pays arabes un plan de normalisation conditionnelle avec Israël, qu'un projet jordanien se propose de réaménager à l'occasion du sommet d'Alger. En effet, un projet de résolution jordanien sur une « paix globale » avec Israël figure à l'ordre du jour de la réunion ministérielle préparatoire ouverte hier. Le plan en question proposait à Israël une normalisation des pays arabes en échange de son retrait total des territoires arabes occupés en 1967. Ce plan qui avait été alors rejeté par Israël préconisait aussi « un règlement juste du problème des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de l'Assemblée générale de l'ONU de 1949, qui donne aux réfugiés le droit au retour ou à des compensations ». En quoi consiste un tel projet que les hauts fonctionnaires ont préféré laisser à l'appréciation des chefs de la diplomatie arabes ? Le seul élément évident est la situation de blocage à laquelle sont arrivés les experts, révélant en cela plus que de simples divergences. C'est l'esprit de paix globale rejeté par Israël partisan du cas par cas, ou encore d'accords partiels, c'est une contre-stratégie qui tend à isoler la question palestinienne au cœur du conflit du Proche-Orient. La succession d'accords séparés n'y a rien apporté comme on le constate. C'est même un recul par rapport à il y a quatorze ans quand la conférence internationale de paix au Proche-Orient, tenue en 1991 à Madrid au lendemain de la première guerre contre l'Irak, basée rappelle-t-on sur le principe de l'échange de paix contre les territoires, et qui avait retenu les résolutions 242 et 338 comme base de règlement. Plus grand-chose ne subsiste de ces principes. Plus que cela, Israël impose ses conditions.