Les agences de voyages et de tourisme de la région sont confrontées à d'énormes tracasseries et embûches dues à une série de décisions venues de la wilaya. Des restrictions sur le carburant aux exigences d'un tas de « paperasses » pour faire une méharée ou une caravane, le tourisme est au ralenti. Les propriétaires des agences de voyages, qui sont fort nombreuses, crient au « blocage » venu du wali, Djari Messaoud, en l'occurrence. Plusieurs lettres ont été d'ailleurs adressées aux hauts responsables du pays dans lesquelles ces agences dénoncent les pratiques et certaines décisions du wali qu'elles estiment « abusives et infondées ». Mais en vain. Aucune suite n'a été donnée à leur requête. Le tourisme, qui constitue le fleuron économique de Tam, se retrouve aujourd'hui coincé dans les méandres de l'administration locale. Les quelques agences de voyages visitées livrent le même constat alarmant de l'activité touristique depuis que l'actuel wali a pris ses fonctions en 2001. Pour faire une méharée ou une caravane, les agences sont soumises à des obligations, à telle enseigne qu'elles prennent des semaines pour rassembler tous les documents exigés. Elles doivent impérativement fournir « tous les renseignements sur les touristes ». Elles sont sommées de déposer auprès de la Direction du tourisme de la wilaya des dossiers en sept exemplaires portant les noms, prénoms, professions, nationalités, numéros de passeports et même les noms des parents des touristes, 72 heures avant leur arrivée. Sans cela, les touristes ne pourront pas circuler. En novembre 2003, un groupe de randonneurs français, venu à travers l'agence de voyages Mero N'Man, s'est vu arrêté à mi-chemin par la gendarmerie et reconduit manu militari à l'hôtel de la ville. La raison ? Le propriétaire de ladite agence pointe un doigt accusateur vers le directeur du tourisme qui n'aurait pas transmis la liste et la destination des touristes aux services concernés, alors qu'il est censé le faire. « Mon agence a respecté mot à mot la procédure requise. Elle a déposé la liste complète et détaillée, telle qu'exigée par les autorités locales, au directeur du tourisme. Dans ce document, il y a tous les renseignements concernant ces touristes français. L'itinéraire est tracé avec précision. La date du séjour aussi », explique le propriétaire, Mohamed Rouani, documents à l'appui. Le directeur du tourisme évoque, dans une explication faite aux premiers concernés, « un arrêté » qui interdit la circulation des chameaux de Ahalekan vers les Ajjers, sur l'itinéraire de Bernezat. Mais le propriétaire de l'agence Mero N'Man, Mohamed Rouani, nous a fait savoir qu'au moment même où ces étrangers étaient refoulés, « deux grandes méharées venaient d'avoir lieu : l'une de Tamanrasset vers IIlizi, l'autre vers Djanet ». Et encore, pourquoi n'avaient-ils pas informé l'agence à temps ? Le directeur du tourisme de la wilaya ne nous a pas reçus malgré nos multiples tentatives. Cependant, les touristes refoulés ne se sont pas tu devant cette décision jugée « arbitraire ». Le porte-parole et responsable du groupe, Jean Louis Bernezat, a saisi le 12 janvier 2004 l'ancien ministre du Tourisme, Noureddine Benouar, par le biais d'une lettre où il lui avait relaté les faits dans le détail. Le ministre l'a reçu en personne. Mais la situation demeure inchangée, si elle ne s'est pas aggravée. Restrictions En sus de ces tracasseries, les agences de voyages sont soumises à d'autres restrictions draconiennes sur le gas-oil. Etant une wilaya frontalière de l'extrême Sud, le trafic du fuel à travers les frontières est monnaie courante. Outre ce fait évident, la wilaya de Tamanrasset, ayant 100 000 habitants et un parc automobile de plus de 13 000 véhicules, ne dispose que de deux pompes à essence, dont l'une travaille seulement à mi-temps. Elles ont les mêmes capacités de réserve qu'en 1970, alors que la population locale était estimée à 5000 habitants. Appartenant à Naftal, les deux stations sont loin de répondre aux besoins croissants de la population. Le manque d'approvisionnement a créé une situation de pénurie. Pour remédier à cette crise, le wali n'a pas trouvé mieux que d'interdire le mazout dans les jerrycans. Décision qui a suscité l'ire des agences de voyages qui ont souvent de longs périples à accomplir au cœur du Grand-Sud, pour lesquels le plein de la voiture ne suffit pas. Plus loin, ces agences se demandent pourquoi les autres régions de la même wilaya, telles que Tinzawatine et Aïn Guezam, ne sont pas touchées par cette décision. Mais que faire ? Après avoir frappé à toutes les portes, sans résultat, les agences prennent leur mal en patience. Elles subissent toujours cette restriction sous le joug du prince. Le wali nie Le wali nie carrément l'existence de cette décision et dément les faits avancés par les agences de voyages.« Nous n'avons jamais privé les agences de voyages de ce produit. Elles se ravitaillent normalement », dira-t-il d'un ton sec. Pour lui, il s'agit de restrictions qui tendent à préserver l'intérêt général. « Nous avons une centrale électrique qui fonctionne avec le gasoil. Elle consomme 27m3/jour. Les deux stations sont alimentées quotidiennement de Hassi Messaoud, situé à quelque 1 600 km. Les quantités qui nous parviennent sont limitées et ne répondent pas à la demande. Ainsi, nous prenons des précautions pour que la station électrique ne manque pas un jour de gasoil, car il s'agit de l'intérêt public. Sinon c'est toute la ville qui va être plongée dans le noir », ajoutera-t-il. Sans hésiter, il qualifiera les gens de Tamanrasset d'« individus à mentalité figée » qui ont peur du changement. Evasif, M. Djari n'a pas voulu répondre à nos questions. Il s'est contenté de s'attaquer aux gens qui le contestent avant de nous intimer l'ordre de quitter son bureau du fait qu'il n'a rien à dire. Mais en réalité, la station électrique qui « avale » trois fois plus que la consommation globale de la ville était avant l'arrivée du nouveau wali rattachée directement à Hassi Messaoud et n'est pas comprise dans le réservoir de la wilaya. Sur la décision du wali actuel, cette station est ravitaillée par la wilaya. D'après Boudjemaâ Benhebriche, ancien chef du secteur de vente de Naftal à Tam, la pénurie actuelle est due essentiellement au manque d'approvisionnement et à la fermeture des stations la nuit, à partir de 22 h. « La décision du wali va à contre courant de la logique de la commercialité. Normalement, lorsque la demande grimpe, les stations doivent nécessairement travailler à plein temps. Sans arrêt. Mais le wali a vu autrement. C'est étonnant », a-t-il expliqué. D'après lui, « Tam n'a jamais connu une crise du fuel semblable à celle qu'elle traverse maintenant ». Aux deux stations de carburant, une longue file est venue confirmer les faits. Selon les gens rencontrés sur place, cette situation persiste depuis près de trois ans.