L'automne, saison des paradoxes, est aussi pour l'agriculture la période de transition entre l'été et l'hiver. Lorsque le Ramadhan arrive, il est de coutume que la mercuriale enregistre des hausses que rien ne peut justifier sur le plan strictement agronomique. En effet, grâce à une formidable conjonction d'éléments naturels, la saison peut être très chaude - ce qui n'est point un paradoxe sous l'effet de l'équinoxe automnal - autorisant, notamment sur toute la bande côtière et parfois à l'intérieur du pays, des températures si douces qu'elles permettent toutes sortes de cultures dites d'arrière-saison. Ce que tout consommateur peut constater de visu lorsqu'il se rend dans les différents marchés de fruits et légumes où seul l'embarras du choix s'offre à lui. Alors que l'abondance s'étale au grand jour, il se trouve que les prix sont loin de convenir à toutes les bourses. C'est ainsi que, pour les légumes dont c'est la période de culture par excellence, carottes et navets ne s'achètent que très rarement à moins de 80 DA. La pomme de terre qui provient de la campagne de saison et qui a été récoltée entre les mois de juin et d'août, a fait l'objet d'un stockage important. Alors qu'habituellement, elle n'est cédée après stockage qu'au-delà de 40 DA, l'importance des stocks, aidée par une surproduction importante - selon le ministère de l'Agriculture, plus de 120 000 tonnes de semences auraient été importées de France, de Hollande et d'Ecosse, ce qui correspond à un record jamais atteint auparavant -, les opérateurs auront beaucoup de peine à se défaire de leurs stocks. Non pas que la demande soit trop faible, d'autant que ce tubercule est incontournable en toute saison. Il s'agit en fait du prix d'écoulement que la forte demande n'arrivera pas à pousser vers la hausse. Il y eut ensuite l'arrivée, dans les chambres froides, de l'oignon, indispensable à toute bonne ménagère, qui poussera la pomme de terre vers la sortie à un moment où les parcelles tardives de l'intérieur du pays - Guelma, Sétif et Rechaïguia - entraient en production. Ce sont tous ces facteurs qui finiront par maintenir les prix relativement bas, selon l'avis des opérateurs spéculateurs, mais suffisamment élevés pour le consommateur. En effet, malgré un bref mouvement vers la hausse, durant les premiers jours du Ramadhan, la pomme de terre est actuellement stabilisée entre 24 et 28 DA, au grand bonheur de la majorité des ménages. En ce qui concerne la tomate fraîche, sa forte disponibilité s'explique d'abord par une température ambiante très favorable, mais aussi par la mise en culture de pas moins de 200 hectares de cultures d'arrière-saison. Ni l'importation de concentré ni la production nationale, au demeurant très importante, ne pourront détrôner ce fruit qui s'accommode à toutes les sauces. Tant et si bien que son prix - entre 15 et 30 DA, selon le calibre et la variété - demeure très abordable. Seuls les fruits restent inabordables, malgré l'arrivée des premières dattes qui sont cédées à pas moins de 200 DA, et le raisin de Bordj Ménaiel, de Tlemcen ou de Médéa qui se laisse distancer par la banane, notamment lorsqu'elle est trop mûre et que l'on prenne la peine d'aller la chercher au niveau du marché de Aïn Sefra. Le plus populeux et surtout le moins cher, malgré une qualité qui laisse parfois à désirer. Enfin, alors que la viande fraîche locale ne se négocie pas à moins de 700 DA, c'est un véritable rush que l'on observe autour des points de vente qui proposent à seulement 300 DA de la viande congelée d'importation. Annoncée depuis dix jours, la viande fraîche de France ou d'Irlande se laisse désirer. Pour les réalistes, il n'y a aucune chance qu'elle soit sur les étals mostaganémois avant la fin du Ramadhan.