Le dynamisme de l'économie d'un pays se mesure aussi avec le nombre de création d'entreprises nouvelles l A Djelfa, le processus semble improductif. En six années de mise en œuvre du dispositif microentreprise Ansej, 5480 dossiers ont été déposés au niveau de l'antenne de l'Ansej de Djelfa. Un véritable rush a été enregistré au cours de l'année 2004, pendant laquelle 3050 dossiers ont été déposés, soit plus de 50% du chiffre global. La raison de cette « précipitation » n'est autre que l'augmentation des crédits dont le montant est passé de 4 millions de dinars à 10 millions de dinars. La surmédiatisation du nouveau dispositif fera le reste : « Le rêve algérien pour des millions de jeunes », commente une jeune cadre très au fait de la situation et qui ajoute « qui a tourné au cauchemar ». Pour certains, souvent les plus motivés, la galère commence à partir du transfert au niveau de la banque, les promoteurs attendent des mois, voire des années pour être fixés sur le sort réservé à leur dossier. En attendant, ils doivent faire face aux impôts et à la Casnos. En fin de parcours, rares sont les jeunes qui bénéficieront d'un financement. Les autres finiront par abandonner après avoir engagé des frais dépassant leurs moyens. « Nous sommes mal informés, non accompagnés et malmenés au niveau de la banque », nous déclarent deux jeunes qui ne comprennent pas pourquoi leur dossier a été rejeté par la BNA. « Le motif du rejet ou du retard n'est jamais justifié par certains directeurs de banque qui refusent de recevoir ceux qui cherchent à comprendre. C'est de l'abus », s'insurge un groupe de jeunes venus demander conseil à un cadre de l'Ansej. Pour les 5480 dossiers déposés, seulement 650 accords seront signés, tout en sachant que l'accord du directeur de la banque ne signifie pas forcément financement. Il est déjà arrivé qu'un directeur de banque revienne sur sa décision ce qui n'a pas manqué de provoquer la colère de beaucoup de jeunes chômeurs qui dénoncent les dépassements, le favoritisme et la corruption. « Les crédits sont accordés, parfois par rapport à des critères qui ne sont pas conformes à la réglementation. De véritables escrocs ont été servis et même à plusieurs reprises sous des prête-noms, alors que des jeunes diplômés n'ont pas pu bénéficier du moindre crédit. Les faux promoteurs disparaissent dans la nature après avoir empoché l'argent. » Nos interlocuteurs sont persuadés qu'il existe des complicités : « La banque, les faux promoteurs et les fournisseurs sont de mèche dans certains cas où l'argent de l'Etat va partout sauf là où c'est prévu. » Des aberrations sont également constatées au niveau des créneaux : dans cette région agro-pastorale qui de surcroît possède un institut d'agropastoralisme, les financements relatifs à l'élevage (ovin, bovin, aviculture...) sont bloqués. Ceux concernant le transport (frigorifique, voyageurs, location, etc.) le sont également alors que le parc actuel est vieillissant. Du côté des banques, il ne nous a pas été aisé de recueillir la version des directeurs. « Vous êtes une terroriste ! Le président de la République l'a dit : les journalistes sont plus dangereux que les terroristes ! », nous lance le directeur de la BNA en guise de bienvenue avant même de connaître le motif de notre visite, frôlant la crise de nerfs. « La direction générale m'interdit tout contact avec les journalistes, adressez-vous à notre cellule de communication à Alger ! » Devant notre insistance, il finira par nous donner des explications : « En 2004, 70 accords ont été signés et le financement est de l'ordre de 50%. » Le directeur de la BNA, qui reconnaît avoir eu à revenir sur certains accords, explique la diminution des financements par le fait que beaucoup de promoteurs n'ont pas honoré leurs dettes vis-à-vis de la banque. Des abus ont été constatés : des bénéficiaires ont complètement disparu laissant de fausses adresses. « J'ai opté pour le financement des microentreprises de production évitant de pénaliser celles qui sont déjà opérationnelles, car il faut savoir que certains créneaux sont saturés », ajoutant que l'idéal serait l'organisation de réunions périodiques impliquant les différentes parties concernées (banques, Ansej, fournisseurs et directeurs des services de la wilaya) afin de déterminer les besoins de la région en matière d'investissements. Pour le directeur de la BDL, les choses sont claires : « Les dossiers sont minutieusement étudiés avant la délivrance de l'éligibilité et les dispositions relatives aux aides apportées aux jeunes promoteurs sont rigoureusement respectées », ajoutant que par le passé des abus ont été enregistrés de la part de faux promoteurs. Pour un cadre financier, tout le mal se situe au niveau des fournisseurs, ceux qui sont agréés au niveau de l'Ansej ne sont pas tous de bonne foi. Leurs activités sont multiples et souvent incompatibles. Leurs factures proforma ne répondent pas aux normes et les jeunes chômeurs mal conseillés,en subissent les conséquences. Les promoteurs devraient pouvoir choisir eux-mêmes leurs fournisseurs. En attendant une nouvelle forme de gestion et un contrôle plus rigoureux du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes, la situation demeure anarchique.