Maintenant que les marins britanniques capturés dans les eaux du Golfe sont en sécurité, des hypothèses, voire même des certitudes sont avancées sur la nature de leur mission. Tout d'abord, font valoir de nombreux spécialistes, la question des eaux territoriales de l'Iran et de l'Irak n'a jamais été réglée. Elles sont imbriquées les unes aux autres. Il y a trop de contentieux dans cette région. Puis, le fait que Londres ait cherché à négocier. Il fallait rapidement extraire ces marins du guêpier dans lequel ils se trouvaient, et cela d'autant plus si les informations à leur sujet étaient avérées. C'est-à-dire que ces marins étaient, en réalité, des espions. L'information, à ce sujet, ne vient pas des Iraniens, ce qui serait tout à fait normal, mais bien des Britanniques qui nous apprennent que les marins capturés par Téhéran avaient, notamment pour mission, de « collecter des renseignements » sur l'Iran dans le Golfe. C'est la chaîne de télévision Sky News qui en fait état, sans être démentie, à travers la diffusion du témoignage d'un des marins, antérieur à sa capture. « Nous collectons aussi des renseignements », explique le capitaine Chris Air sur Sky, ajoutant que ces renseignements concernent « toutes sortes d'activités iraniennes dans la zone ». « Parce qu'évidemment, nous sommes tout près de la zone tampon avec l'Iran », raconte-t-il, interviewé par Sky News, à bord de la frégate Cornwall, une semaine avant sa capture. Ce n'est donc pas une banale patrouille de police avec à son bord de jeunes marins, et cette interview n'avait jamais été diffusée. Le ministre britannique de la Défense, Des Browne, a indiqué sur Sky que « le mandat de l'ONU » les autorisait « à collecter des informations sur l'environnement dans lequel ils travaillaient ». Dans son entretien, Chris Air révèle également que le capitaine du bateau, que ses hommes venaient d'inspecter, lui a raconté que les militaires iraniens ont l'habitude d'accoster illégalement les bateaux irakiens. « Ce dhow (bateau) a été volé par des Iraniens, (des soldats), il y a trois jours ; ils ont pris de l'argent et, apparemment, cela est arrivé plusieurs fois dans le passé ; alors, c'est bien de rassembler des renseignements sur les Iraniens aussi », dit-il. De manière prémonitoire, Chris Air rapporte aussi : « Nous nous assurons que nous avons pris toutes les mesures de sécurité juste avant de sauter sur un bateau. Nous étudierons la situation et nous nous assurerons que c'est sûr avant de monter à bord. » Cela n'a, visiblement, pas été le cas, bien que le dénouement soit heureux. Pour le moins seulement, car, Paul Rees, un ancien commando de marine qui conduit des stages pour des personnes risquant de se trouver dans un environnement hostile, a, lui, indiqué qu'il était encore trop tôt pour dire si les 15 marins avaient été convenablement préparés pour leur mission et ses risques potentiels, de même que pour juger leur comportement une fois capturés. « Personne ne peut vraiment dire s'ils ont trop ou pas assez parlé », a-t-il dit. Il est possible que la hiérarchie de la marine, contactée par les diplomates britanniques, leur ait conseillé de coopérer avec les autorités iraniennes. Selon lui, « la question-clé est de savoir s'ils ont trop parlé » en reconnaissant ou en faisant semblant de reconnaître avoir été dans les eaux iraniennes. « Nous ne pouvons pas dire qu'ils n'auraient pas dû parce que nous ne savons pas ce qui se passait en coulisses », a-t-il conclu. L'Iran a qualifié vendredi de « propagande » la conférence de presse des marins qui ont affirmé avoir subi des « pressions psychologiques constantes » lors de leur détention en Iran. « Le transfert immédiat des marins vers une base militaire, la suggestion des ordres dictés, et la coordination des médias britanniques et américains pour diffuser, en même temps, la conférence de presse (des marins) ne peuvent ternir les documents et les preuves (de l'Iran) sur la violation des eaux iraniennes », a dit un porte-parole iranien. Bien entendu, subsisteront des zones d'ombre dans cette guerre des nerfs, mais les spécialistes craignent la multiplication des incidents, ce genre d'accidents, en vérité voulu ou recherché, et qui ouvrent toutes grandes les portes de l'aventure.