Lancée par le candidat de l'UMP, Nicolas Sarkozy, l'idée d'un ministère de l'Identité nationale et de l'Immigration dans la perspective de prendre des voix au Front national a secoué la campagne présidentielle, provoqué des clivages au sein de la classe politique, parmi les universitaires et autres intellectuels, alors que les associations de défense des droits de l'homme et des immigrés se sont montrées extrêmement critiques. Paris : De notre bureau La stratégie de Nicolas Sarkozy n'est pas sans risque, le premier étant que celle-ci soit, au final, contreproductive. Nicolas Sarkozy estime que sa proposition de ministère de l'immigration et de l'identité nationale est « la meilleure façon de répondre aux provocations de Jean-Marie Le Pen ». Et aussi « Je veux dire aux Français que le 22 avril et le 6 mai, ils auront à choisir entre ceux qui sont attachés à l'identité nationale et qui veulent la défendre et ceux qui pensent que la France a si peu d'existence qu'elle n'a même pas d'identité », déclare Nicolas Sarkozy en meeting à Nice. Lors de cette élection « peut-être la plus décisive des trente dernières années » les Français « devront choisir entre ceux qui ne veulent plus entendre parler de la nation et ceux, dont je suis, qui exigent qu'on respecte la nation ». « Je veux rendre aux Français la fierté de la France », ajoute le candidat de l'UMP. Dénoncée par la gauche et les centristes, la proposition de Nicolas Sarkozy a suscité des réserves jusque dans son camp. « Je n'ai pas du tout aimé cette formule très ambiguë. J'aurais préféré parler d'un ministère de l'Immigration et de l'Intégration », a ainsi déclaré Simone Veil. « On ne fait pas un mélange d'immigration et d'identité nationale. L'identité nationale n'est pas l'affaire d'un ministère. L'identité nationale est l'affaire de tous les républicains », estime le candidat de l'UDF, François Bayrou. Surenchère Ségolène Royal surenchérit en se félicitant dans un entretien à Libération, de la « vraie confrontation » d'idées sur l'identité nationale entre candidats à la présidentielle, estimant être la seule à combiner cette notion avec une nécessaire ouverture au monde. « Je suis une Européenne résolue. Je suis partisane d'une France ouverte au monde, internationaliste et généreuse et je considère que la nation a un autre nom qui est celui de la République ». « La nation telle que je la conçois ne demande pas aux gens d'où ils viennent, mais où ils veulent aller ensemble. Elle n'est pas fondée sur les racines, l'ethnie, que sais-je, mais sur une idée. Elle est une idée et c'est ce qui la distingue de ce qu'en ont fait nos adversaires », affirme la candidate du PS, du MDC et du PRG. Ségolène Royal dénonce aussi « l'amalgame » du président de l'UMP entre identité nationale et immigration et rejette l'image d'une France « repliée sur elle-même, qui a peur des autres et donc qui s'enfonce dans le communautarisme, les discriminations, dans l'individualisme, dans le repli sur soi ». Le nouveau slogan de Ségolène Royal « La France présidente » a suscité de vives réactions à gauche. « On a Nicolas Sarkozy qui court après Le Pen. Si la gauche court après Nicolas Sarkozy, je vous laisse deviner qui va tirer les marrons du feu (...) A ce jeu, malheureusement, ce sera probablement Jean-Marie Le Pen », a réagi Olivier Besancenot (LCR), sur Canal+. Sur la même chaîne, Arlette Laguiller a trouvé « quand même terrible que, parce que Nicolas Sarkozy cligne de l'œil vers l'électorat de Le Pen, Mme Royal, finalement, aille vers le nationalisme de Nicolas Sarkozy. » L'hymne et le drapeau sont « des symboles qui appartiennent au peuple, on ne va pas se les disputer comme des bouts de chiffon », a averti Marie-Geoge Buffet en meeting à Nantes. La République et ses valeurs Pour sa part, le candidat de l'UDF, François Bayrou, place les valeurs de la République au-dessus de l'identité nationale. « Ce qu'il faut exalter, ce n'est pas la nation au sens de l'origine, mais la République et ses valeurs : liberté, égalité, fraternité. Ceux qui veulent résumer la France à un drapeau ou à je ne sais quelle exaltation de son identité se trompent. Il est incroyable que ce soit moi, candidat du centre, qui doive le rappeler à la gauche française, elle dont ça a été le message pendant des décennies », a-t-il déclaré dans un meeting à Nîmes. Il a accusé Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal d'avoir mis en avant la question de l'identité nationale « parce qu'ils veulent gagner des voix ». « Les endroits où on m'a le plus parlé des valeurs de la République, c'est dans les banlieues. J'y ai trouvé immensément de talents, d'initiatives, d'amour de la France et d'amour de la République. Jamais je n'ai vu autant que dans ces quartiers la volonté de créer quelque chose, de faire naître des activités nouvelles. » « C'est évidemment Le Pen qui a introduit ce sujet depuis longtemps dans le jeu », a analysé François Bayrou. « Aucun des présidents de la République précédents n'est allé sur ce genre de sujet, ni Charles de Gaulle, ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d'Estaing, ni François Mitterand, ni Jacques Chirac. Aucun de ces cinq là (...) ne s'est laissé aller à mettre l'ombre du petit doigt dans cet engrenage », a-t-il ajouté. Le candidat du FN, Jean-Marie Le Pen jubile. « Tout le monde baigne dans le tricolore, mais les Français sont suffisamment fins pour distinguer l'original de la copie », dit-il dans Le Parisien-Dimanche.