La polémique concernant la « légalité » de la grève menée depuis le 18 octobre dernier par les médecins spécialistes, opposant le ministère de la Santé et le Syndicat des praticiens spécialistes, a révélé une faille dans le dispositif juridique inhérent à la limitation de l'exercice du droit de grève. Le secteur de la santé ne dispose pas, à ce jour, de conventions ou d'accords définissant, à titre d'exemple, les conditions dans lesquelles doit être assuré le service minimum. La remarque vaut également pour d'autres secteurs importants de la vie sociale et économique. En théorie, ce vide juridique n'a pas lieu d'être, puisque le code du travail oblige les travailleurs grévistes à assurer un service minimum en période de grève. A qui la faute ? Difficile de répondre. Dans l'absolu, c'est à l'Etat de veiller à l'application des lois. Mais il est toutefois troublant que les syndicats n'aient rien fait pour attirer l'attention sur le problème. Le service minimum devant être assuré à l'occasion des grèves est réglementé par la loi n°90-02 du 6 janvier 1990, modifiée et complétée, relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l'exercice du droit de grève. L'article 37 de la section dédiée au service minimum du code du travail stipule : « Lorsque la grève concerne des activités dont l'interruption complète est de nature à porter atteinte à la continuité de services publics essentiels (...), la poursuite des activités indispensables est organisée en la forme d'un service minimum obligatoire ou résultant de négociations, de conventions ou d'accords comme prévu par les articles 38 et 39. » Pour ce qui est précisément du secteur de la santé, l'article 38 de la loi précitée prévoit que le service minimum est obligatoire lorsqu'il s'agit de services hospitaliers de garde, des urgences et de distribution de médicaments. INEXISTENCE DE RÈGLES Outre cette obligation, l'autorité administrative concernée détermine, après consultation des représentants des travailleurs, les domaines d'activité sujets au service minimum et les travailleurs strictement indispensables à leur prise en charge (article 39 de la loi n°90-02). Un travail, rappelle-t-on, qui n'a pas été fait à ce jour. En attendant de remédier au problème, l'inexistence de règles régissant le service minimum est à l'origine, sur le terrain, d'un début de révolte des malades et d'un dysfonctionnement des structures sanitaires. Le non-respect de la législation du travail promet aussi des batailles juridiques âpres entre le gouvernement et les praticiens spécialistes de la santé. Chacun d'eux essayera, en effet, de prouver la responsabilité de l'autre dans la dégradation de la situation. Mais autant dire qu'en cas de défaite dans le bras de fer qui les oppose à l'Exécutif, le Syndicat des praticiens spécialistes risque gros. Compte tenu du caractère stratégique de certaines activités sur les plans social et économique, le législateur a, rappelle-t-on, introduit la notion de faute professionnelle grave pour tout refus par le travailleur d'assurer le service minimum auquel il est astreint (article 40 de la loi n°90-02). Si le service minimum a été prévu pour certains domaines d'activité, c'est dans le seul objectif, explique-t-on au ministère du Travail, d'« éviter des situations gravissimes dont le secteur de la santé en constitue un des exemples les plus significatifs ». Un service des urgences non assuré pour raison d'absence de service minimum peut conduire, ajoute-t-on, à des situations dramatiques sur la santé, voire sur la vie des citoyens les plus vulnérables au regard de leur état de santé. Et l'on précise que cet état de fait pourrait constituer un délit de non-assistance à personne en danger, réprimé par le code pénal.