L'épineux problème des créances détenues par la Société d'impression d'Alger (Simpral) sur des journaux privés et publics vient de connaître un rebondissement pour le moins inattendu. La demande de recouvrement des créances émane cette fois-ci non pas de la direction de Simpral mais des travailleurs. Réunis en assemblée générale, mardi dernier, à la salle de conférences d'El Moudjahid, ceux-ci ont tiré la sonnette d'alarme sur la situation financière de leur entreprise, affectée par un découvert bancaire de 85 milliards de centimes. Si l'entreprise demeure solvable, sa difficulté essentielle réside dans le recouvrement de ses créances qui ont atteint un montant de 160 milliards de centimes « Il est urgent de mettre fin aux anciennes pratiques faites d'injonctions du pouvoir pour tirer des journaux qui ne paient pas, de chèques sans provision... Certains titres demandent une augmentation de leur tirage, une pagination à 32 pages, la couleur, mais laissent des factures impayées. Nous devons récupérer nos créances par tous les moyens légaux », affirme M. Ammour Cherif, du syndicat des travailleurs, précisant que l'entreprise tourne avec l'argent de quelques titres « bons payeurs ». La Simpral, qui compte 125 travailleurs, assure l'impression de 25 titres privés et publics, dont 14 quotidiens. Elle en a d'ailleurs poursuivi quelques-uns en justice. Selon M. Ammour Cherif, des journaux ayant disparu des étals ont laissé une ardoise de 37 milliards de centimes de dettes. Une situation, estime-t-il, qui ne peut plus continuer, car il y va de l'avenir de l'entreprise qui nécessite la modernisation de ses équipements. « D'un côté, les pouvoirs publics nous empêchent de recouvrer nos créances en nous forçant de tirer des journaux gratuitement et, d'un autre côté, ils nous sortent le litige sur le découvert bancaire de l'ancienne entreprise (avant la séparation entre le titre El Moudjahid et l'imprimerie, ndlr) en nous obligeant de négocier avec la banque », soutient, pour sa part, M. Rachid Deradj. En raison des injonctions du pouvoir sur la direction de Simpral, les syndicalistes indiquent que l'entreprise ne peut mettre en application des clauses de la convention qui la lie aux journaux, prévoyant la réduction du tirage ou encore l'arrêt de l'impression des titres qui n'assument pas leurs engagements. Le syndicat précise qu'à travers sa montée au créneau, il entend sensibiliser les pouvoirs publics sur le fait qu'ils encouragent le non-paiement des créances. Nous avons vainement tenté hier d'entrer en contact avec la direction de la société d'impression. Cette sortie des travailleurs de Simpral intervient quelques jours après la rencontre entre les directeurs de journaux et le ministre de la Communication, M. Boudjemaâ Haïchour. L'occasion a été saisie par les professionnels des médias afin d'aborder, entre autres, la relation conflictuelle entre les imprimeurs et les éditeurs. Le ministre avait affirmé avoir récemment reçu les responsables des imprimeries afin de trouver une solution à cette situation. Les éditeurs, particulièrement ceux du secteur privé, brandissent, pour leur défense, les créances qu'ils détiennent à leur tour sur l'Agence nationale de l'édition et de la publicité (ANEP). La manne financière - gérée de façon politique par cette entreprise publique, estiment des éditeurs - a également été soulevée par les professionnels des médias lors de cette rencontre-débat. Nombre d'entre eux estiment que la solution à ce problème dépend d'une réelle volonté politique du pouvoir à réglementer ce secteur sans s'interférer dans les lignes éditoriales des journaux. Une gestion « saine » qui aura pour effet de faire disparaître naturellement tous les obstacles.