C'est devenu une habitude, une seconde nature chez les habitants du quartier populaire d'El Guemmas. En effet, pour sortir, il faut à chacun une paire de chaussures usuelles en plus d'une paire de bottes pour affronter la gadoue qui règne en maîtresse des lieux depuis des années. Et pour cause, les travaux de réfection de la chaussée durent dans cette cité depuis des lustres. Les nids-de-poule et les crevasses empoisonnent depuis longtemps la vie aussi bien des piétons que des automobilistes. D'ailleurs, tout taxieur au courant de la topographie des lieux refusera de vous y conduire, et franchement personne ne lui donnera tort. Et ce ne sont pas les rafistolages occasionnels qui auront résolu les problèmes de bitume et de trottoirs défoncés. Un petit tour sur place vous renseignera sur l'ampleur des dégâts occasionnés par… les entrepreneurs chargés de redonner un nouveau visage au quartier. « Tous les travaux entamés ne font que nous enfoncer un peu plus dans la paupérisation du site , de notre cité. Comme nous sommes loin de l'œil des responsables, les entrepreneurs ne font que du replâtrage pour toucher leur dû et repartir illico vers d'autres projets, s'éloignant des travaux d'El Guemmas qui ne durent que jusqu'au prochain orage, car à chaque giboulée, les couches de bitume et de caillasses sont emportées par les eaux et les roues des voitures, permettant à la boue de reprendre ses droits, et aux habitants de renouer avec leurs vieilles habitudes », nous dira un habitant des lieux. La cité qui s'étend chaque jour un peu plus n'est plus cet amas difforme de chalets qu'on dit bourrés d'amiante, ce sont aussi des maisons plus ou moins coquettes qui ont vu le jour, en plus d'immeubles habités en majorité par de jeunes couples. Malheureusement, et même si les habitants essayent de se prendre en charge, cela ne suffit pas quand les autorités ne font rien pour que les travaux soient au plus vite achevés. Des travaux qui ont fini par exacerber les riverains qui, après plusieurs promesses restées lettre morte, ont décidé de chasser les entrepreneurs de leur cité. Ce qui a été fait il y a quelques jours. « Nous préférons faire face aux intempéries uniquement, que de cumuler les désagréments occasionnés par le bruit et les matériaux des entrepreneurs qui ne font qu'entretenir l'indigence des lieux, avec des marchés illimités pour des travaux sans cesse à renouveler », nous dira encore notre interlocuteur. Par cette action, les habitants d'El Guemmas entendent attirer l'attention de leurs élus sur le marasme de leur cité qui dure depuis une éternité et qui ne se limite pas seulement à la chaussée et aux trottoirs. Et la récente intoxication de plus d'une centaine de bordiers est là pour témoigner qu'à El Guemmas tout reste à faire…