En l'espace de deux à trois jours, la capitale Alger a vécu sous le choc de la tourmente kamikaze et de l'info intox. Et cela, ne n'oublions pas, à quelques semaines des législatives 2007. A moins d'un mois aussi du verdict sur l'affaire Khalifa ; et quelques petits mois après la révision du bradage opéré par la première mouture de la loi sur les hydrocarbures. Elle n'est pas au centre du monde, mais l'Algérie est du monde qui bouge et intéresse les puissances, plus que les siens parfois : parce qu'elle fait partie des leviers utiles d'avenir. L'attaque kamikaze contre le Palais du Gouvernement, le 11 avril, n'est pas seulement – sur le plan de l'information institutionnelle nationale - un démenti cinglant à la propagande du « terrorisme résiduel », générée par la nomenklatura d'Alger durant des années pendant que les populations de l'Algérie périphérique et les jeunes des services de sécurité se faisaient trucider. Elle s'inscrit aussi, à quatre semaines des élections législatives, en nouvelle et frappante forme d'intox propagande : pour dire d'abord – en frappant son siège même – il n'y a pas plus d'Etat algérien que de gouvernement. Depuis la marche de Ali Benhadj et ses ouailles sur le ministère de la Défense nationale, après les législatives tourmentées de 1991, il n'y a pas eu de plus forte action de propagande en termes de capacités à décréter la table rase, pour partir sur d'autres bases. Et ses nouveaux émirs ; qui ainsi frappent de leur symbole l'imaginaire des Algériens. Et aussi des chancelleries étrangères, qui vont témoigner, chacune dans sa culture, de la complexité de l'Algérie. On l'attendait un peu du nouvel ambassadeur des Etats-Unis : il a fourré en plein, lui transféré du poste de Bagdad. D'un communiqué trop vite expédié – soit disant pour ses concitoyens : comme s'il y en avait à foison, et seulement touchables via les médias – l'ambassade US d'Alger a réussi à semer la graine de terreur, colportée par des tas de médias étrangers reçus en Algérie, et en rumeur par la rue. Ce n'est pas seulement de la désinformation en pays étranger : c'est aussi de la cécité provocatrice et stupide. Parce que le même jour où la chancellerie s'était indûment hasardée à concocter son bulletin d'alerte sur les nouvelles « frappes », comme disent les Anglo-saxons sur Alger, la CIA du pays n'a pas prévenu ses patrons qu'à Casablanca des intérêts américains allaient être directement touchés. Les points de frappe névralgiques à Alger évoqués par le communiqué en ligne de l'ambassade américaine sont loin d'être anodins, pour ne pas poser de nombreuses questions sous jacentes à sa fabrique. Ils tiennent de rumeurs déstabilisatrices aussi, dans un contexte du pays où la rumeur vient dramatiquement en renfort de la pire des incertitudes : il n'y a plus d'Etat. On notera que c'est encore la presse de droit privé, cependant que la télé gouvernementale reste tétanisée face aux évènements décisifs, qui a alerté justement sur l'état de non droit de cette nouvelle source de désinformation. Le ministère des Affaires étrangères prenant à raison cette fois-ci de réagir aussi, plutôt rapidement quand même. D'un mot de fin citons cette réflexion du sociologue Bruno Aubusson : « Dans le traitement médiatique de l'insécurité, apparaissent des experts qui sont présentés comme des gens qui vont apporter un éclairage à des lecteurs, voire à des journalistes, et peut-être même à des politiques, sur ce qui pourrait être fait en matière d'insécurité. J'ai dit le traitement schématique et un peu conventionnel de l'insécurité dans les médias : le fait, le chiffre. Je complète ce tableau : c'est le fait, le chiffre, l'expert. Pour ma part, j'ai beaucoup de problèmes concernant les experts parce qu'on voit se répéter les propos rapportés en dix secondes au journal télévisé ».