Deux ans après les sanglantes émeutes, et sept ans après l'arrivée surprise de Le Pen au second tour, les jeunes, notamment d'origine étrangère, ne veulent plus laisser les autres décider à leur place. Paris. De notre bureau « Je vais user de ma voix comme une arme politique, explique Kamal, assistant-chef d'édition dans une télévision internationale. Je ne peux plus me contenter de dire que rien ne changera ou que tout le monde est pourri. Ma voix vaut bien son pesant d'or. Et si tous les électeurs vivant de l'autre côté du périphérique faisaient la même chose, croyez-moi que les politiques nous craindront et prendront en compte notre colère. » Et d'énumérer les nombreux lobbies communautaires qui espèrent peser après le 22 avril, date du premier tour. Le lobby juif par exemple, décidé à voter Sarkozy, les francs-maçons, et même la population noire regroupée dans une confédération. Mais que représente réellement le vote des jeunes ? Selon Anne Muxel, directrice au centre national de recherche scientifique (CNRS), cette population forme environ 15% du corps électoral. Un pourcentage suffisant, écrit-elle, pour infléchir dans un sens ou dans un autre le résultat de l'élection. En revanche, personne n'est en mesure d'avancer un chiffre sur le nombre exact d'électeurs d'origine étrangère (arabe ou africaine). Celui-ci étant interdit par la loi. Mais ce n'est pas le plus important, remarque Sarah, étudiante en journalisme, d'origine tunisienne. Elle pense qu'il faut plus de discipline communautaire pour être pris au sérieux. « Ce dont nous souffrons surtout, c'est du manque d'organisation. Il n'existe aucun mécanisme nous permettant d'unir notre force politique. Il y a tellement d'associations qu'il devient pratiquement impossible de se parler et de décider ensemble. » Sarah donne l'exemple du CRAN qui a réussi à fédérer toutes les associations noires de France. « La preuve, ajoute-t-elle, tous les candidats leur font les yeux doux et leur promettent de prendre en charge leurs doléances. » Vers quels candidats les jeunes vont-ils se tourner ? Une étude du CNRS, réalisée en février dernier, faisait ressortir que 46% des jeunes de 18 à 24 ans votent pour Ségolène Royal contre 30% pour Sarkozy. Les filles, elles, sont 49% à choisir la candidate PS. « Mais depuis, la tendance a changé, croit savoir Jamel, chauffeur livreur en Seine Saint-Denis. Les expressions « Kärcher », « identité nationale », « immigration choisie » ou « mouton dans la baignoire », sorties de la bouche du candidat de droite, ont précipité les jeunes de banlieues dans les bras du parti socialiste, mais aussi dans ceux de Bayrou qu'ils regardent avec bienveillance. » Toujours est-il que le travail de sensibilisation des municipalités et des pouvoirs publics à l'égard des jeunes semble avoir atteint ses résultats. Des statistiques indiquent que 25% de jeunes en plus ont pris la carte de vote. Des files entières étaient d'ailleurs visibles dans de nombreuses communes de la banlieue parisienne. Dans la petite ville d'Arles, (sud-est de la France), 1500 jeunes en plus se sont faits recenser par les services de la mairie. Idem aussi pour d'autres localités de la France. C'est un véritable mouvement de fond, remarquent les observateurs politiques et les instituts de sondage, en accord en moins sur une chose : la banlieue détient les clés du scrutin. Rendez-vous ce soir…