Oustani Abdelhamid, gérant de la Maison des livres a le goût du livre bien fait. S'occupant de la librairie depuis 1989 qu'il considère comme une affaire familiale, M.Oustani est de ceux qui ont la volonté chevillée au corps. Donnant sur la rue Boumendjel, la Maison des livres a gardé tout compte fait son cachet original. Rien de ce qui fait la réputation de cet espace n'a changé : la boiserie est toujours là, narguant les ans. « Il n'y a guère eu de cassure. Que ce soit dans l' ameublement ou dans le personnel. Il y avait des Français qui travaillaient dans cet espace jusqu'à leur retraite. Un caissier est resté là jusqu'au début des années1990 », soutient M.Oustani qui dit avoir reçu un couple de pieds-noirs dont le mari a travaillé dans les années1950 dans la librairie. La rue Dumont d'Urville où se trouve cette librairie fut aménagée, selon Benmeddour architecte et chercheur dans le patrimoine national, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. La Mosquée des Ibadhites et ce qui fut la porte de la rue d'Isly ( Larbi Ben M'hidi) ne sont guère loin. C'est une année après la fête du centenaire, soit en 1931, que sera fondée cette librairie-papeterie par des Français de souche, les frères Soubiron. En 1966, le père d'Oustani prendra en main la librairie, la léguant plus tard à ses descendants. Toujours sourcilleux, les pouvoirs successifs n'y ont, néanmoins, pas touché. « Depuis, elle n'a pas changé d'activité, au contraire, on l'a développée puisqu'on a rajouté l'imprimerie (au sous-sol) qui deviendra, par la suite, une structure autonome », assure M.Oustani, membre de l'Association des éditeurs et secrétaire général de l'Association des libraires. Avec l'ouverture du marché au privé, le département importation sera lancé. Ce segment connaîtra, selon lui, une difficulté consécutive du relèvement du capital des entreprises importatrices qui a atteint les 20 millions de dinars. « De ce fait, il ne reste même pas une dizaine dans ce créneau. Je ne suis toutefois, pas parmi eux. Il reste que mon dossier est toujours chez le notaire », déplore le libraire. Le premier titre qui a été publié par la Maison des livres est une thèse, depuis longtemps épuisée, qui traite de la région du Souf. Ce livre a été retenu dans le cadre de la manifestation « Alger, capitale de la culture arabe 2007 » et devra être ainsi traduit , en plus du livre de François De Vaux sur Kheireddine Barberousse. Néanmoins, des livres « pratiques » feront, au plus fort du monopole sur l'édition, la réputation de cette librairie-édition. Qu'en est-il du beau livre qui semble être la marque de fabrique de la Maison des livres ? « J'en éditerai trois. Il s'agit des ouvrages de M. Benmeddour qui embrassent une longue période de l'histoire nationale depuis la venue des Turcs en 1516 ». Evoquant les livres qui se vendent le mieux, M. Oustani dira que l'Algérien préfère acheter utile. Le livre parascolaire tient ainsi le haut du pavé. Il assure que le combat de son association est de mettre à la disposition des lecteurs le livre scolaire. « C'est un apport en chiffre d'affaires très important. Pas plus tard qu'hier, j' ai reçu des clients qui demandaient encore le livre scolaire, alors que l'année tire à sa fin », fait-il savoir tout en faisant remarquer qu'un chiffre d'affaires conséquent échappe aux libraires. La tranche d'âge de lecteurs va de 40 à 60 ans. La raison : Ce sont des indécrottables lecteurs qui ont vécu à une période où le livre ne coûtait pas cher puisque subventionné par l'Etat sont restés sur leurs vieilles habitudes. Le métier de libraire n'est pas organisé, car les textes réglementaires font également défaut, selon M. Oustani. On trouve même ceux qui rajoutent un rayon parfumerie pour arrondir les fins de mois difficiles. « Il y a de l'anarchie dans l'édition et je préfère m'en démarquer », soutient l'éditeur, assurant investir beaucoup plus dans la qualité que dans la quantité. Il assure faire de la rsistance : des librairies, comme celle faisant l'angle de la rue Boumendjel, ont fermé. Ibn Khaldoun et El Ghazali à la rue Didouche Mourad connaissent, fait-il rappeler, bien des soucis.