Même si officiellement la campagne électorale ne débute qu'aujourd'hui, la précampagne, elle, a déjà drainé nombre de ses caractéristiques. Elles tiennent de nouvelles formes de propagande et réhabilitent le sacro-saint unanimisme connu sous le parti unique. Tout semble ouvert et transparent à en croire les challengers, unis pour la première fois à ne voir dans la donne ni risque de fraude ni permanence d'accaparation des moyens de l'Administration par les poulains des trois partis de la dite Alliance présidentielle. Même si, grosse entorse à la règle « à chacun sa chance », nombre de ses ministres en activité encore sont candidats gagnants d'office un poste de député au lendemain du 17 mai. Au tirage au sort des créneaux d'expression à l'ENTV et sur les ondes des radios ENRS comptabilité a été faite ce début de semaine de 24 partis participants et de 102 listes de candidats indépendants. Le temps ouvert à l'ENTV est de 41 heures, divisées en 492 unités, déclinées entre 6h25 et 19h55. Une minutie qui veut frapper de rigueur. De son côté l'ENRS ouvre sur ses ondes 114 heures d'expression, en 1368 unités de 5 minutes aussi. Entre les temps dévolus aux partis, notamment de l'Alliance, et la catégorie des indépendants l'égalité la répartition est inégale, les premiers ayant soumissionné en plus grand nombre de listes électorales. Cette distorsion, sous couvert d'une neutralité affichée est renforcée par « l'image » déjà longtemps accaparatrice de l'écran national et ses ondes par les ténors de partis de l'Alliance et sa proche périphérie : leurs ministres continuant d'en faire promotion de réalisations et projets. Au Forum de l'ENTV, le secrétaire général du FLN – et néanmoins en poste effectif de Premier ministre – s'est ingénié dans un humour qui peut faire crisser des dents que « pendant une heure trente le chef de l'exécutif s'absente » pour laisser place au responsable de la formation politique en compétition... Des sourds et aveugles doivent le regarder. L'événement, la semaine dernière, du meeting algérois contre le terrorisme (et les marches initiées dans le pays), après le signal choc de l'attaque contre le palais du Gouvernement, s'est fait sous la houlette de l'Alliance et de l'UGTA. Si le consensus national contre la barbarie intégriste n'a pas besoin de cette forme-là de manifestation orchestrée, les premiers dividendes ont été détournés au profit du concept et chantier de « la réconciliation nationale », telle que soumise déjà à référendum par le chef de l'Etat. Venue en point de fixation au cœur des législatives, elle a marqué de son principe leur sens et leurs enjeux : à la limite, veulent faire croire les communicateurs de l'Alliance, pourquoi des programmes concurrentiels – inexistants en plus dans les réalités – alors que « le programme », celui du chef de l'Etat, existe déjà. Tout débat contradictoire est toujours perçu en agitation, déjà en campagne. Comment le serait-il en Assemblée élue ? On aura noté, rémanent chez les responsables de la Troïka de l'Assemblée sortante – vraiment ? - le leitmotiv des quotas de sièges et l'absence de propositions sinon de sortie de crise du moins de signes d'ouverture vers une alternance au pouvoir. Le responsable du FLN allant jusqu'à imaginer une victoire en « tsunami » (sic). Une autre expression de la monopolisation de la représentation nationale, exprimée récemment à la radio, est le mépris naturel affiché contre « les petits partis » en lice pour les législatives. Même si effectivement la tendance quasi généralisée est à leur « renaissance » éphémère à chaque échéance électorale, le secrétaire général du RND, et ancien Premier ministre, qui a « bétonné » ce système, continue de tromper ses auditoires. Lui qui sait les rouages structurels de marginalisation des partis frondeurs quand il clame : « Il y a des partis absents tout au long de l'année. Cela aura des incidences sur la qualité de la démocratie. » Cette fermeture du système algérien est d'une violente caricature quand on apprend, la même semaine, que le Président de la Mauritanie voisine, nouvellement élu, a tout simplement confié la responsabilité de l'exécutif à son ex-challenger de compétition, pour donner des bases démocratiques à une possible sortie d'un système militarisé. Débats contradictoires sur des programmes cohérents, réalistes et novateurs pour le développement social : c'est là le déficit structurel et historique qui a marqué les législatives algériennes depuis le règne du vrai parti unique le FLN. Ses nouvelles versions affichées pour le scrutin du 17 mai ne sont pas de bon augure.