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MSP : l'« entrisme » politique s'essouffle
Les partis à l'épreuve des Législatives 2007
Publié dans El Watan le 12 - 12 - 2006

La fin justifie les moyens, dit-on. Au Mouvement de la société pour la paix (MSP), c'est plus qu'un proverbe. Il s'agit d'une conviction profonde. Sortir grand vainqueur des élections législatives de 2007 est le vœu obnubilant du parti de Bouguerra Soltani.
Comment ? Peu importe la manière. L'essentiel, c'est le résultat. L'ex-Hamas ne se gêne pas ainsi de dauber, à quelques mois de ce rendez-vous électoral, ses partenaires de l'Alliance présidentielle, de battre en brèche l'action du gouvernement dont il est membre et de dresser publiquement un tableau noir sur la situation de l'Algérie, y compris au plan des libertés. Sa présence au gouvernement ne le dérange guère. « C'est une participation positive », se justifie-t-on. « Elle vise, ajoute-on, à faire changer les choses de l'intérieur. » Etre au gouvernement n'empêche donc pas le MSP de revendiquer haut et fort son appartenance au camp de l'opposition. Un pied au pouvoir, un autre dans l'opposition, tel est le « slogan » de ce parti, qui fait de l'entrisme politique sa propre philosophie. Sur une note d'euphorie, Bouguerra Soltani est allé même jusqu'à considérer son parti comme à la fois « le pouvoir et l'opposition ». Don d'ubiquité ? Sûrement pas. Seulement, le MSP se place au gré des conjonctures. Aujourd'hui, son premier souci est de rebondir à l'occasion du prochain scrutin. Autrement dit, s'affirmer comme la principale et l'incontournable force politique islamiste en Algérie. Pour ce faire, le parti ne lésine pas sur les moyens ni même sur les mots. Il s'engage d'ores et déjà dans la précampagne qu'il assume pleinement. « Notre premier souci est de nous démarquer des deux autres membres de l'Alliance présidentielle », indique Abdelmadjid Menasra, responsable de la communication, qui tient à préciser une fois de plus que le MSP s'est allié avec le FLN et le RND uniquement pour concrétiser le programme du président Bouteflika. C'est ainsi que Bouguerra Soltani a, depuis quelques semaines, remis au goût du jour les vieilles revendications du parti, longtemps mises au placard, telles que la levée de l'état d'urgence. Le président du MSP essaie, en effet, de glaner quelques points de plus en demandant notamment l'interdiction de l'importation du vin. Par cette action, l'ex-Hamas veut certainement se montrer comme le gardien du temple de la morale des Algériens. Pour se distinguer des autres, surtout de ses « partenaires » de l'Alliance qu'il considère comme ses principaux rivaux, le MSP excelle dans l'art de la « propagande » préélectoraliste et verse dans le populisme. « Lors des élections électorales, chacun livre sa propre bataille, seul, comme il peut », souligne M. Menasra, comme pour dire que la compétition sera aussi rude entre les membres de l'Alliance. Le parti de Bouguerra Soltani dit ne pas être prêt à faire de cadeau. Au contraire, il veut prouver qu'il se porte bien, voire mieux que lors des précédentes échéances électorales.
Oublier… 2002
La débâcle du 30 mai 2002 est encore vive dans les mémoires des cadres du MSP. A l'époque, rappelle-t-on, le parti du défunt Mahfoudh Nahnah s'est vu relégué à la quatrième position, loin derrière la nouvelle formation de Abdallah Djaballah (El Islah, créé en 1999), lui qui espérait même ravir le gouvernail de l'Assemblée populaire nationale aux deux partis du pouvoir, le FLN et le RND. La défaite a été difficilement digérée. Les dirigeants du MSP comptent enterrer définitivement ce « mauvais souvenir » à la faveur des prochaines élections. Mais aussi et surtout démontrer que le parti était « réellement lésé » et victime d'un scrutin truqué. « En 2002, il y avait une fraude massive et nous l'avions dénoncée à cette époque-là », soutient M. Menasra, qui demeure persuadé que, sans cette « fraude », son parti aurait largement obtenu le « double » de ce qu'il avait décroché. Le problème n'était pas donc, aux yeux du chargé de la communication de l'ex-Hamas, dans la stratégie politique du parti, ni dans son discours de campagne ni dans son intégration du gouvernement, depuis 1999. « S'il y avait quelques erreurs d'appréciation, notamment en matière de choix de candidatures, il reste que le programme du parti répondait aux aspirations du peuple », précise M. Menasra. De ce fait, le MSP suivra la même stratégie établie en 2002, tout en tenant compte de ces « erreurs d'appréciation ». Pour s'assurer une « belle victoire », les dirigeants passent sous la loupe les précédentes élections. « Un diagnostic exhaustif a été établi sur les élections législatives de 2002. Des manquements à certains degrés ont été relevés », indique Abderrazak Mokri, vice-président du parti, affirmant en conséquence que les mesures adéquates ont été déjà prises. Mais quelles mesures pour quelles défaillances ? En 2002, le président de l'époque, Mahfoudh Nahnah, fondateur et père spirituel du MSP, décédé d'une leucémie le 19 juin 2003 à l'âge de 61 ans, avait reconnu que les députés de sa formation se sont coupés du peuple après leur entrée à l'APN en 1997. S'il considérait la fraude comme la principale cause de sa défaite de 2002, le défunt cheikh Nahnah avait cependant avoué l'échec de la stratégie de campagne. « Le parti n'a pas su mobiliser la base, il n'a pas su revaloriser son image de marque », avait-il déclaré à la presse à cette époque-là. Ce que les dirigeants actuels reconnaissent… à demi-mot. Mais ce qui les préoccupe le plus est « le risque de fraude » qui plane encore sur les élections. « Ces élections revêtent un cachet particulier et le risque de fraude n'est pas à écarter », souligne M.Menasra. Que faire ?
Garantir la transparence
Le MSP compte exiger des garanties concrètes de transparence, comme par exemple l'installation d'une commission indépendante de surveillance des élections et, surtout, l'amendement de la loi électorale. Sur ce point-là, l'ex-Hamas juge nécessaire de limiter le vote par procuration à une seule personne. « On a vu par le passé des gens venir voter au nom de 10 à 20 personnes. On ne doit plus tolérer de telles pratiques qui faussent le jeu démocratique », estime M. Menasra. Aussi sa formation s'échine-t-elle dès maintenant à s'offrir les moyens idoines pour renforcer le contrôle des bureaux de vote en mobilisant, notamment, le maximum de militants. Il n'exclut pas dans le même contexte de prendre langue avec d'autres formations dans le but de conjuguer leurs efforts de telle sorte à ce qu'ils puissent ensemble faire avorter toute tentative de fraude. En dépit de cette mobilisation en perspective, les dirigeants du parti ne sont pas sûrs de pouvoir barrer la route aux éventuels « fraudeurs ». Paradoxalement aux « peurs » exprimées sur le déroulement du prochain scrutin, le MSP affirme ne pas être de ceux qui boycottent les élections. « Nous participerons quelles que soient les conditions dans lesquelles les élections vont se dérouler », note M. Menasra, qui reste persuadé que, en cas de transparence et de neutralité de l'administration, son parti raflera au moins 100 sur plus de 380 sièges que compte l'APN. « Dans le cas de transparence avérée, aucun parti n'aura une majorité, car les Algériens, après ce qui s'est passé dans les années 1990, ont peur de donner le pouvoir à une seule formation », soutient le chargé de la communication du parti. Ainsi, aux yeux de ce responsable, tout score qui dépassera 50% sera une preuve de fraude. Pour arracher les cent sièges dont il rêve, le parti du défunt Nahnah émorfile ses armes. Il a ainsi lancé le débat sur ces (prochaines) élections. Comme il poursuit en parallèle ses activités préélectorales sur le terrain, où des meetings ont été organisés par-ci, par-là et plusieurs rencontres regroupant les responsables du parti à tous les niveaux ont été tenues à Alger. « Nous avons ouvert le débat au sein des instances du parti avec les militants pour mieux étudier la situation politique actuelle », soutient M. Menasra pour qui les voies de la réussite sont plutôt... pénétrables. L'ex-Hamas essaie, en outre, d'être présent sur tous les fronts, afin que le « rêve » devienne réalité. Les thèmes de campagne sont définis. La lutte contre la corruption est en tête de liste. La levée de l'état d'urgence aussi. Le parti de Bouguerra Soltani fera aussi des réformes politiques, les libertés, la justice, les problèmes socioprofessionnels des citoyens et bien sûr la réconciliation nationale – en guise de réaffirmation de son allégeance au président Bouteflika – « ses thèmes » de campagne. Aussi, il insistera également sur la nécessité de renforcer les pouvoirs de l'élu. « Les prérogatives des élus locaux sont extrêmement limitées. Le maire ne peut même pas distribuer les logements », regrette M. Menasra. Selon lui, cela empêche les élus de réaliser leur programme électoral. Ce manque de prérogatives fait que le MSP mise beaucoup plus sur les élections législatives. « A l'APN au moins, le député peut faire entendre sa voix en plénière et peut proposer des textes de loi », estime-t-il. Suivant sa stratégie de campagne pour 2007, le MSP ouvre grandes les portes de son parti pour les personnes qui veulent y adhérer, même le résidu de la base du FIS dissous. « Plusieurs personnes ont rejoint notre parti durant cette année », se targue M. Menasra, qui refuse cependant de donner le nombre d'adhérents sous prétexte qu'il ne possède pas de chiffres précis. Même son de cloche chez Abderrazak Mokri, qui dit ne pas pouvoir donner ce chiffres avant le début de l'année. Secret ? Le MSP ne veut sûrement pas prendre le risque de divulguer un « détail » qui pourrait être contre-productif. Au sein de cette formation, tout le monde est convaincu qu'aucun parti ne rend public le bon chiffre sur le nombre de ses adhérents. L'équipe de Bouguerra Soltani semble bien saisir l'enjeu. Par ailleurs, le parti se dit ne pas être pressé pour l'établissement des listes de candidatures. « Cela concerne directement les conseils de wilaya, ce sont eux qui sont habilités à établir les listes de candidats », indique M. Menasra qui ne compte pas se présenter à ces élections. Mais il rassure que la voie est libre à tout militant ou cadre du parti qui voudrait se porter candidat. L'essentiel est qu'il réunisse certaines conditions, notamment avoir six mois d'ancienneté au sein du parti. Ainsi, faut-il le souligner, le « vœu » de Soltani d'interdire à ceux qui ont déjà à leur actif deux mandats à l'assemblée nationale de se présenter à ces élections n'a pas été exaucé. Le conseil consultatif ne l'a pas suivi dans sa démarche qui a suscité des tumultes dans les rangs du parti.


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