L'Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ) vient de signer un accord de coopération à Doha (Qatar), avec la télévision Al Jazeera. Pendant deux ans, l'établissement français va envoyer des intervenants au centre de formation de la chaîne qatarie. Signé pour deux ans renouvelables, l'accord de coopération entre l'ESJ et Al Jazeera prévoit des formations sur les techniques du journalisme. Des questions comme la laïcité en France et l'avenir de l'Union européenne sont également inscrites au programme. Dès l'annonce de cette coopération, l'école lilloise n'a pas manqué de susciter l'étonnement. En Europe, la réputation sulfureuse de la chaîne et son positionnement dans le conflit en Irak en interpellent plus d'un. Le directeur général de l'ESJ, Loïc Hervouet, explique et défend fermement la politique de son établissement. « D'abord, insiste-t-il, ce sont bien des formateurs de l'école qui se rendent à Doha et non des journalistes d'Al Jazeera qui viennent suivre une formation à Lille. Lors des premières rencontres, les journalistes de la chaîne se sont montrés eux-mêmes partagés quant à l'opportunité d'une telle démarche. » En quoi une école occidentale pourrait-elle apporter quelque chose à une télévision arabe qui a su montrer son particularisme dans un paysage médiatique souvent uniforme ? Réflexion sur l'éthique Précisément, explique en substance Loïc Hervouet, une première session qui vient de se dérouler, début octobre, sur l'éthique et la déontologie a permis une importante prise de conscience de part et d'autre. Il est important de savoir que les journalistes d'Al Jazeera réfléchissent beaucoup au traitement de l'information. Dernièrement, la chaîne a décidé de ne plus montrer les exécutions d'otages en Irak. En revanche, elle diffuse les communiqués de groupes extrémistes et les images des otages interpellant leurs gouvernements respectifs. Pour l'ESJ, c'est un choix qui se respecte. Surtout, les discussions avec les journalistes d'Al Jazeera et les formateurs français ont abouti sur un constat intéressant : si les uns et les autres se posent les mêmes questions en termes d'éthique, c'est qu'après tout et par-delà les contextes et les situations spécifiques nous faisons bien le même métier, celui qui consiste à informer. Créée il y a huit ans, Al Jazeera a récemment élaboré sa propre charte déontologique. « Les grands principes [de ce texte] ne s'éloignent guère des règles en usage en Occident, constate l'ESJ. L'un des articles de cette charte prévoit le soutien aux journalistes victimes d'agressions. D'ailleurs, la chaîne a explicitement pris fait et cause pour Christian Chesnot, Georges Malbrunot et leur compagnon syrien Mohamed Al Joundi. » L'ESJ de Lille fête actuellement son quatre-vingtième anniversaire. Elle est la plus ancienne école de journalisme de France. Comme chaque année, la promotion qui vient d'entrer compte environ 10% d'étudiants issus d'autres pays. « Nous n'avons pas vocation à faire venir à Lille des dizaines d'étudiants étrangers, souligne Loïc Hervouet. Nous sommes plutôt dans une logique de transfert de savoir-faire. » Une section scientifique à Blida Outre l'accord passé avec Al Jazeera, l'école a animé, début octobre, une formation en Jordanie pour l'agence Petra. L'an prochain, plusieurs sessions sont prévues pour des radios des Emirats arabes et, sans doute, pour divers médias yéménites. L'ESJ mène des actions de formation continue dans une cinquantaine de pays, notamment en Afrique, en Europe orientale, en Chine et en Asie du Sud-Est. En septembre 2005, elle va se tourner vers l'Algérie. Elle s'apprête à lancer une section de journalisme scientifique à Blida, avec l'appui de l'université de cette ville.