Abderahmane Bouguermouh, cinéaste émérite, se retire du monde du cinéma. A 71 ans, il se sent fatigué, épuisé par la maladie. Sa barbe hirsute en est un indice révélateur. Il a réalisé plusieurs courts et longs métrages. Le dernier est La Colline Oubliée (1996) tiré du roman de Mouloud Mammeri qui porte le même titre. Il s'est établi à Ighzer Amokrane (Béjaïa). Le temps de voir défiler sa carrière et penser à autre chose. Il nous en parle dans cet entretien qu'il nous accordé il y a quelques jours. Que devient Abderahmane Bouguermouh ? Eh bien, Bouguermouh s'est fait oublier dans sa colline à Ighzer Amokrane. Vous savez, quand la table est desservie, il faut savoir se retirer. Je crois que pour moi, c'est le moment de faire autre chose que le cinéma. Car aujourd'hui, je n'ai plus la force, non pas pour faire des films, mais de réussir le parcours d'obstacles pour en réaliser. Je ne peux plus courir derrière l'administration pour lever une contrainte ou quémander des dinars pour un montage financier. Cela n'est plus dans mes moyens physiques d'abord. Et, c'est pour cette raison que j'ai décidé d'arrêter définitivement le cinéma. Donc, c'est le silence. On ne tourne plus... Il me reste peut-être un documentaire à faire. C'est effectivement, une dette que je dois à Taos Amrouche. Alors, il y a deux choses ; ou je le fais et là, je serais comblé ou je ne le fais pas, et dans ce cas, j'emporterai avec moi ce regret dans ma tombe. Sinon, pour le cinéma, il faut bien se le dire, il y a un moment où il faut savoir s'arrêter. Mais, d'un autre côté, nous sommes issus d'une génération qui ne peut pas rester sans rien faire. Et, c'est en toute logique que je me suis mis à l'écriture. Sur quoi ? Ce sera un roman. Je l'ai intitulé " Anza " (le cri). C'est un siècle de Kabylie. Il s'agit d'une Kabylie qui n'est pas connue. Je raconte l'itinéraire d'un jeune homme issu d'une famille de militants de la cause nationale qui commence en 1871 et qui a continué jusqu'en 1947. C'est en fait, toute l'histoire de l'Algérie de 1900 à 1947. Quand sortira le livre ? Vous savez, j'ai beaucoup de contraintes aussi ; de sérieux ennuis de santé, des problèmes d'ordre familial. Mais, l'écriture de mon roman avance plutôt bien. J'en suis à la phase de la correction. En tout cas, le roman est écrit, et je ne sais pas quel éditeur voudra le prendre. Peut-être dans le cadre d'Alger, capitale de la culture arabe… Jamais. Jamais de leur part et jamais de ma part. Vous avez été invité au début du tournage du film de Ali Mouzaoui. Votre sentiment ? C'est uniquement pour Ali Mouzaoui. C'est mon ami. Je ne peux pas le lâcher dans un moment où il a besoin de moi pour apporter un soutien moral. Je suis là, pour être à ses côtés, sinon, tout le reste m'indiffère.