Elisabeth Peltier, la responsable du projet sahraoui de l'association Kareen Mane, basée dans le Vaucluse à Carpentras en France, repart, ce samedi, pour la treizième fois, en direction du camp de réfugiés sahraouis de Dakhla (la première était en octobre 2000), dans le sud-ouest algérien. Deux fois par an, elle convoie du matériel indispensable aux réfugiés. Cette fois, ce sont deux tonnes réparties en dix palettes constituées, pour la plupart, d'appareils pour personnes handicapées et de papeterie. Avant de partir, et alors que l'ONU vient de prendre position pour la reprise des discussions entre les parties impliquées dans le conflit, elle s'est engagée, à titre de personne impliquée dans l'humanitaire, à témoigner des conditions de vie (32 ans dans les camps, un record mondial) et à interpeller le monde politique tant au niveau régional que national : « La France doit apporter son soutien au processus d'autodétermination. Les candidats à la présidence devraient dire quelle est leur position. » Au début, son engagement était simplement pédagogique. Faire le point avec les cadres enseignants sahraouis sur les impératifs du développement de l'enseignement. « Au cours des cinq premières missions d'un mois, j'ai rencontré des femmes soucieuses d'anticiper le fait que peut-être ce statut de réfugié finirait, et qu'il faudrait savoir se prendre en main. Il y a donc une école de formation pour les femmes qui s'est créée. Une vraie maison des femmes où elles se rencontrent et élaborent des projets. » Elisabeth Peltier a appris à aimer ce peuple « à la fois désespéré et dynamique. Les jeunes femmes m'ont dit : ‘‘Où tu vois un futur dans ce désert ? N'empêche qu'il faut pour nos enfants qu'on apprenne. C'est un peuple organisé qui croit en son indépendance. Ils ont des valeurs ». Elle estime avoir appris de ces périples « une leçon d'humanité ». « J'ai rencontré un peuple d'une tolérance exceptionnelle. C'est un peuple libre, où hommes, femmes, tout un chacun s'exprime librement. Après plus de 30 ans de vie de réfugiés, je ne sais où ils trouvent leurs ressources. Au début, ils arrivaient dans les camps avec l'idée qu'ils repartiraient vite. » Elle a d'ailleurs mis le doigt sur la préoccupation essentielle, celle des jeunes : « Les générations se suivent et les nouvelles ne croient plus au retour. Ils sont nés dans les camps ; ils ont vu leurs frères aînés faire douze ou treize ans d'études ; revenir ultradiplômés et ne pas trouver à s'employer malgré leur potentiel. Ils n'ont donc plus le goût d'apprendre. Il faut les motiver. A 15, 18 ans, vivre dans ce camp, loin de tout ce qui se passe dans le XXIe siècle, c'est dur. Si la situation politique n'évolue pas, on se demande si cette population va continuer d'accepter de vivre ainsi ou choisir de laisser les camps derrière et émigrer ailleurs. »