Le président du Haut conseil islamique (HCI), Cheikh Bouamrane, invité hier au forum de la Chaîne III « En toute franchise », a expliqué, en marge des débats, que le terme salafi véhicule deux sens différents, à savoir son sens réel et originel et un autre qui s'est greffé tout récemment. Selon lui, l'acception originelle porte sur le consensus du Prophète avec les compagnons, c'est-à-dire les quatre kalifes orthodoxes (rachidines) fortifiée ensuite par la grande tradition des savants, à l'instar d'El Ghazali, Ibn Rochd, Ibn Khaldoun et autres jusqu'à l'Emir Abdelkader et Ibn Badis, et subit une évolution rapide avec Malek Benabi, Ahmed Iqbal ou Ahmed Aroua. Ce sens, ajoute-t-il, part du Coran et de la tradition du Prophète. Cependant, depuis quelques années, « on est en train de faire glisser ce sens de salafi sur une doctrine plus récente qui est de Mohamed Ben Abdelouahab », explique le président du HCI, qui invite à la vigilance contre l'amalgame entre ces deux sens distincts. « Il faut faire attention au sens qui se modifie progressivement dans la société », souligne-t-il, citant, à titre d'exemple, l'évolution du concept Islam en islamisme puis en Islam politique. Par ailleurs, l'invité de la Chaîne III a abordé la problématique du dialogue entre les civilisations, tout en prédisant l'échec de la volonté de puissance prônée par les Etats-Unis depuis, notamment, les attentats du 11 septembre. Pour lui, la théorie du choc des civilisations est l'œuvre d'une grande puissance qui veut mettre sa main sur le reste du monde. Le président du HCI explique que l'hégémonie sur le monde se fait sur le plan économique d'abord, culturel ensuite et politique enfin. « Mais aucune grande puissance ne peut prétendre dominer le monde », tranche-t-il, indiquant, d'ailleurs, l'existence, actuellement, de plusieurs grands blocs formés par les Etats-Unis, la Chine, l'Inde et la Russie. L'amalgame entre islam et terrorisme L'intervenant a vertement critiqué la politique des Etats-Unis, créant des foyers de guerre comme la Somalie et l'Irak. En outre, M. Bouamrane a dénoncé l'amalgame semé entre Islam et terrorisme, indiquant que ce dernier est un phénomène mondial. Il cite, à titre d'exemple, les actes terroristes au pays basque, en Irlande du nord ou les brigades internationales. L'intervenant souligne que l'Islam est une religion du salut et de paix (salam) comme le christianisme est une religion de l'amour humain et fraternel ou encore le judaïsme. Mais, il a reconnu que certains musulmans pratiquent l'extrémisme pour des mobiles idéologiques. Le président du HCI va jusqu'à affirmer que les vrais juifs sont hostiles à la création d'un Etat d'Israël. « Le jour où l'Etat d'Israël existera, le judaïsme disparaîtra », dira-t-il, en paraphrasant des juifs de New York. En tout cas, le président du HCI a souligné que le dialogue des civilisations repose sur trois urgences que sont la connaissance, la compréhension et la coopération. Pour lui, l'ignorance est la source de tous les préjugés. L'étude de l'histoire des religions et des cultures a fait ressortir trois reproches depuis le Moyen-Age : fatalisme, fanatisme et immobilisme. Il a illustré le rapport des civilisations par l'exemple de Saint Augustin qui constitue un carrefour de civilisations. Il y a, également, l'Espagne musulmane qui représente un trait d'union entre les civilisations musulmane et occidentale. Des chercheurs linguistes espagnols, ajoute-t-il, ont découvert que 60% des mots espagnols sont d'origine arabe ou berbère. Pour M. Bouamrane, une civilisation durable a besoin de trois pyramides : la pyramide la plus large qu'est la culture et l'éducation, puis la moins large que représente l'économie, et enfin la politique « qui doit être au service de la culture et de l'économie ».