La Cour suprême du Pakistan a suspendu hier les auditions de son ex-président, Iftikhar Mohammed Chaudhry, aiguisant ainsi la plus grave crise politique que Pervez Musharraf connaisse depuis son accession au pouvoir après un coup d'Etat en 1999. Flash-back : le 9 mars, le Président décrète une mise à pied du juge pour « inconduite et abus d'autorité ». Ce dernier est alors auditionné par le CJS, autorité suprême en matière de justice. Il saisit alors la Cour suprême, avec un dossier en 132 points où il conteste ces auditions. « L'arrêt de la Cour suprême montre que la procédure suivie jusqu'à maintenant devant le CJS était inconstitutionnelle », s'est félicité Aitzaz Ahsan, le principal avocat du juge. Quant au magistrat de l'action publique, Sharifuddin Pirzada, il a indiqué à une chaîne de télévision privée qu'il n'avait « rien à dire » sur cette affaire. La décision de la Cour suprême intervient alors que dimanche dernier à Lahore, capitale du Pendjab, quelque 10 000 personnes se sont rassemblées pour manifester contre son limogeage. A cette occasion, la nouvelle icône de la résistance au régime militaire a lancé : « Le temps des dictatures est terminé. Le règne de la loi et la suprématie de la Constitution sont inévitables pour une société civilisée et les nations qui n'y croient pas ne survivront pas. » L'opposition des partis islamistes aux partis laïcs des anciens Premiers ministres Benazir Bhutto et Nawaz Sharif s'est aussi rangée de son côté, dénonçant cette mise à pied comme « une manœuvre du général Musharraf à l'approche des élections présidentielles et législatives prévues fin 2007 et début 2008 ». Le magistrat, toujours selon l'opposition, aurait manqué de docilité avec le pouvoir, avant un possible débat constitutionnel sur la possibilité pour Musharraf de conserver sa double casquette de Président et chef de l'armée. Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1999, il est probable que l'actuel président demandera à l'automne au Parlement de lui accorder un troisième mandat à la tête de l'Etat. Or la Constitution lui interdit d'occuper ces deux fonctions. Le climat au Pakistan est aujourd'hui tendu alors que Syed Qamar Abbas, 52 ans, un ancien ministre et responsable provincial du parti de l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, et son neveu, ont été tués dimanche par balle par des inconnus en voiture.