En démocratie, l'élection est fondée essentiellement sur des programmes concurrentiels ; la campagne pour les législatives algériennes, en ses deux semaines de déroulement, a donné une profusion de prêches dans lesquels lecteurs de la presse nationale et auditeurs des médias audiovisuels sont sommés de composer leurs grilles de mots croisés. Des bribes éparses de ces discours tracent à leur façon la « méthode » de la classe politique algérienne à définir le marécage entre les deux catégories « rhétorique » et « réalité » telles qu'elles sont définies dans le monde. La première comme « Art de parler sans sincérité et avec grandiloquence » ; la seconde en « propriété ou état de ce qui existe ». Si la plupart des compétiteurs utilisent essentiellement, voire exclusivement, la communication orale pour exprimer leurs slogans de campagne, c'est parce que souvent l'écrit documentaire d'un programme nécessite tout un travail, en plus d'une volonté politique adossée à des convictions, dont les auteurs sont souvent déficitaires dans notre contexte. Le prétexte, souvent invoqué, du souci de « toucher les masses », prétendument incapables de lire et comprendre un programme, est au fondement des propagandes en compétition. Il vient camoufler l'absence d'une sincère détermination à prendre connaissance des réalités, cet « état de ce qui existe ». Entre autres perles des discours des partis en lice pour les législatives relevées cette semaine on notera celles des trois principaux siégeant déjà à l'Assemblée. Ainsi le patron du RND – ancien chef du gouvernement – persiste dans l'évitement à remuer des problèmes de fond en matière de règles de représentation et de pouvoir des collectivités locales. Laminées ces dernières années au profit du wali, intronisé en proconsul romain de sa province. Dans une rhétorique faite de gros fil, il renvoie aux calendes grecques son avènement : « S'il y a lieu de parler d'une urgence, il s'agira plutôt de parler de la réhabilitation des municipalités qui doivent être recouvertes de plus de prérogatives mais la question, qui ne peut-être évoquée durant cette période bien précise, sera abordée et étudiée en temps opportun. » De son côté le secrétaire général du FLN et chef du Gouvernement dit en même temps une vérité – sinon presque – et consolide sa propagande d'une formation politique unique et indépassable : « Le FLN est un trésor où tous les partis ont puisé. Ils sont tous nés et apprennent beaucoup de ce parti. » Le mérite de la franchise sur une pléthore inutile de partis, reproduits à l'identique pour une ouverture virtuelle, sonne aussi comme un aveu d'un jeu fermé d'avance à des programmes concurrentiels. Le dernier collègue de l'Alliance, Soltani du MSP à partir de Souk Ahras, enfonce le clou : « Les partis en lice pour les législatives 2007 ont, dans leur écrasante majorité, endossé le programme du président Bouteflika, comme on endosserait un burnous. Ils n'ont pas de programme propre à eux. Ils ne savent rien des aspirations du peuple. » On voudrait bien souscrire à l'appel du président de la Commission politique nationale de surveillance des élections législatives (CPNSEL) : « Nos médias sont des écoles de formation et doivent encourager cet électorat à aller voter et faire un travail positif. Encourager cet électorat est pour l'intérêt du pays. » Cette règle universelle de civisme qui postule que le vote est en même temps un droit et un devoir est inscrite en lettre d'or dans le travail du journaliste en couverture de campagne électorale. Cependant le journaliste, en conformité avec la ligne éditoriale de son média, a aussi un autre impérieux devoir à respecter : distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas, de sorte à permettre au citoyen de façonner sa propre opinion. Ultime tension entre sa conscience et son honneur professionnel, il se retrouverait au mieux en attaché de presse propagandiste et au pire en rabatteur de voix à ne pas respecter cette règle aussi. Autant inciter, d'une façon ou d'une autre, à l'abstention à partir des médias relève de l'incivisme autant la presse reste le dernier rempart à tout au moins alerter sur des fondements viciés d'un scrutin. Alors même que le président de la CPNSL serait tenté, lui, de les éluder.