Face au scrutin des législatives prochaines, la société algérienne est mise, de nouveau, en situation d'anomie en matière d'usages des médias audiovisuels toujours sous monopole d'Etat : point de règles validées clairement pour organiser leurs interférences sur la campagne. En même temps : toujours pas de recherche d'indice pour évaluer l'impact, ni a fortiori d'en réguler les effets, de « fabrication » de l'opinion algérienne par les télés étrangères arabophones et francophones, largement désirées et présentes dans les foyers du pays. N'importe quel quidam peut faire prêche sur la télé El Djazira pour réhabiliter le droit « à la différence d'opinion politique réprimée » ; et de soft attachés civils leur emboîtent le pas pour sceller l'amnésie sur plus d'une décennie de barbarie intégriste. Tout comme des pèlerins témoins, tombés d'on ne sait d'où, peuvent témoigner sur l'Algérie à partir de TF1 ou France 2 pour fabriquer leurs contes. C'est l'une des facettes devenues « normales » de l'évolution du pays, c'est pour cela qu'il ne faut pas justement avoir de cesse de la poser dans ses problèmes à débattre. Pour construire des médias audiovisuels crédibles. En démocratie, le droit à l'information donne du sens au vote, aux résultats qui sortent de l'urne. De nombreuses questions se posent à l'endroit des capacités actuelles de nos médias, de droit public et privé, à honorer ce devoir d'éclairage, en même temps qu'à leur marge d'autonomie par rapport aux pouvoirs publics. D'ici le 17 mai, date des législatives, nous brosserons ici des repères significatifs des médias algériens en campagne électorale. Avec cet angle d'attaque en principe universel : « Les élections sont des jalons importants dans les transitions démocratiques. Elles fournissent l'occasion d'examiner le bon fonctionnement de tout un éventail d'institutions dans un contexte de transition et de vérifier si les droits de l'homme sont protégés et encouragés. Un critère déterminant pour évaluer ce processus est de savoir si la population est convaincue qu'elle peut exercer (jouir de) sa liberté d'expression politique, d'association et de mouvement dans le cadre du processus électoral. » Aujourd'hui interrogeons précisément les conditions fondamentales du cadre de médiatisation de la campagne à travers les médias audiovisuels. Alors même qu'elle a ratifié de nombreux textes et conventions de respect des droits humains, l'Algérie est restée dans le vide en matière spécifique de droits à l'expression et à l'information en période électorale. Plus grave, la loi sur l'information du 3 avril 1990, qui a tenté d'ouvrir à la société les médias audiovisuels, est restée lettre morte par le décret d'état d'urgence du 26 octobre 1994. Alors que ce texte de référence et le décret du 20 avril 1991 érigeant l'Entreprise nationale de télévision ( ENTV) en établissement public à caractère industriel et commercial lui tracent clairement une mission essentielle de « service public conformément aux prescriptions de ses cahiers des charges. » Parmi les missions dévolues à l'établissement dévolues à l'établissement l'article 5 du texte constitutif de l'ENTV lui assigne clairement de « garantir le pluralisme et l'indépendance de l'information, conformément aux dispositions constitutionnelles et aux décisions et recommandations du Conseil supérieur de l'information ». ` Auparavant, l'article 4 lui trace une mission directrice : « Assurer l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans le respect des prescriptions des cahiers des charges ». Le Cahier (article 15) consigne expressément les obligations de l'ENTV de médiatiser « l'expression des partis politiques et celles des associations, organisations syndicales et professionnelles ». Un canevas de cadre régulateur similaire – mis en veilleuse aussi - est tracé aux radios d'Etat en matière d'organisation de campagne électorale. On peut prévoir, à partir du déroulé des campagnes précédentes, que les professionnels des radios de l'ENRS auront le souci d'innover dans des « marges possibles » pour être en phase par rapport aux demandes sociales et celles des candidats partisans, ou indépendants déclarés. Qu'en sera-t-il de l'ENTV ? Les responsabilités des « décideurs » autant que des marges de créativité civique des professionnels seront plus que jamais jaugées. Ce sont ces moments-là qui, plus que d'autres, peuvent produire des actes de journalisme citoyen.