Un médecin a été sauvé de justesse d'une crise cardiaque à la rue du Bey, aujourd'hui rue Amirouche, pour cause de marché informel à la rue des Martyrs, plus connue sous le nom de la rue d'Alger. Il avait fallu, mardi dernier, plus d'une demi-heure pour que l'ambulance des sapeurs-pompiers « perce » le rideau de commerces accaparant trottoirs et rue sur 200 m, sans parler du reste de la rue aboutissant à la place du 1er Novembre. Les autorités de la wilaya avaient bien donné l'ordre de réglementer ce commerce envahissant fait d'étalages à même le sol et forçant ainsi le voisinage à accepter à longueur de saison la vente à la criée. La rue faisant partie de l'architecture ancienne avait ses codes, ses règles de conduite, ses pratiques et ses habitudes ; les commerces d'antan étaient tenus par des personnes qui avaient le souci du respect du voisinage, de la clientèle, des espaces même dans le sens de la protection de l'environnement et des règles d'hygiène. L'ouverture de l'économie mondiale et les années de la tragédie nationale avec l'afflux des populations du piémont, des communes et des wilayas limitrophes jusqu'à Tissemsilt ont déréglé les mécanismes. « Nous n'arrivons plus à nous retrouver avec ces crachats, ces ordures partout », dira un commerçant marchand de chaussures. Un autre évoquera le commerce de psychotropes à ciel ouvert, les agressions en groupe face à l'impuissance de tous. « Il n'y a pas de honte à organiser des rondes quotidiennes et permanentes de la police afin d'annihiler toute tentative malveillante », dira un cafetier du coin. « Où sont les senteurs d'antan ? Où se trouvent les marchands de thé ambulants ? Que font les directions de la culture et du tourisme pour mettre en évidence ces rues authentiques ? » L'histoire jugera ces destructions successives de l'âme de la ville ! Des fonctionnaires et des enseignants attablés, non loin du remue-ménage ont évoqué la responsabilité de l'Etat qui continue à percevoir des impôts pour « tout ce qui bouge dans ces rues, exception faite des parasites qui dérangent la quiétude de l'endroit », avouera un quinquagénaire déprimé. « Même les légumes ont fait leur apparition dans cette rue ! », lancera, en maugréant, un autre. Il faut dire que la rue d'Alger se caractérisait jusqu'à une date récente par des commerces spécifiques aux fêtes et aux célébrations d'envergure. La ville s'est ruralisée, expression à la mode à Blida où les règles de la vie citadine ne sont plus respectées. Le mode de vie rural a pris de l'ampleur dans les cités et les quartiers et dans la vieille ville où nombre de familles incertaines, majoritairement sans chef de famille mâle, dans des maisons quasiment clandestines permettent une prostitution, non contrôlée et donc sources de maladies qui seront à la charge de l'Etat. Celui-ci ne prend aucune mesure préventive et toute la population native de la région ou d'adoption, tous les jeunes du service national et tous ceux à la recherche de sensations fortes connaissent les quartiers malfamés de la ville, ceux que l'Etat semble avoir abandonnés. Railleries, moqueries, drague sauvage, agressions, commerce de psychotropes et de drogue... « Tout y est et à toutes les sauces sans que les autorités interviennent », dira un jeune officier voulant garder l'anonymat qui a montré que l'Etat est faible mais possédant cependant sa force d'intervention quand il le veut : « Vous avez remarqué que l'entrée du côté de Bab Dzaïer a été dégagée mais au détriment des ruelles adjacentes. » Pis, à l'approche des élections législatives, les espaces se trouvant près de la salle Benomar ont été dégagés afin de permettre, bien à l'avance la quiétude de l'endroit pour les officiels le 17 mai.