Qu'est-ce qui n'a donc pas fonctionné pour que les Algériens tournent aussi majoritairement le dos au suffrage universel en ce 17 mai ? Pour le ministre de l'Intérieur, la cible est toute désignée : ce sont les partis politiques ! Dans sa conférence de presse, Nouredine Yazid Zerhouni s'est même permis de conseiller à ces derniers de devoir changer de stratégie pour convaincre. L'argument est très commode, l'explication l'est moins. Jeter la pierre à ces partis qui, soit dit en passant, ne sont pas sortis de leurs crises de croissance, serait une insulte à ce peuple gavé de mensonges et exaspéré par la litanie de promesses non tenues. Ce serait faire fi de cette rage refoulée d'une population qui ne croit plus en rien. Une population réduite à courir après un sachet de lait à deux jours d'un scrutin aussi important que les législatives. Le ministre de l'Intérieur a certainement raison de penser que les partis politiques algériens sont loin d'être des modèles du genre. Tous les Algériens le pensent sans doute. Mais n'est-ce pas justement ce pouvoir que représente M. Zerhouni qui a enfanté autant de partis qui font horreur et non pas honneur à la démocratie ? Qu'une petite formation politique disposant d'une centaine de militants arrive à placer un ou deux députés à l'Assemblée n'est certainement pas un signe de bonne santé pour la démocratie algérienne. Que la future APN soit bariolée de 22 couleurs politiques n'incite pas non plus à l'optimisme. Il y a manifestement une crise du système politique algérien. Une panne qui s'apparente à une fin de cycle. Les résultats des élections de jeudi doivent être médités, bien au-delà des quotas. Il y a en l'occurrence beaucoup d'enseignements à tirer d'une désaffection populaire qui, pour être massive, n'en est pas moins bénéfique pour le pays. C'est une sonnette d'alarme inquiétante, un avertissement que le Pouvoir d'abord, les partis politiques ensuite, n'ont pas su prévoir. Les urnes de jeudi ont renvoyé tel un boomerang tout ce que les Algériens ont refoulé une décennie durant. La misère, la privation et le sacrifice ont trouvé en ce jeudi 17 mai un véritable réceptacle à travers l'urne. C'est une belle réaction d'un peuple longtemps réduit à une galerie et qui n'entend plus rester irrémédiablement ce dindon de la farce politique. La faillite du système Pour une fois, les Algériens ont choisi de se taire pour mieux se faire entendre. C'est là le message fondamental transmis par ces douze millions d'électeurs qui auront brillé par leur absence. Les Algériens en ont majoritairement marre qu'on fasse de la politique sans eux. Voire contre eux. Ils sont las de servir de simple galerie à un carnaval politique qui se joue à n'en plus finir. Il est plus juste aujourd'hui de dire que c'est la société algérienne qui s'est trompée de ses dirigeants et sa classe politique et non pas le contraire. Les élections du 17 mai devraient servir de repère politique important pour ceux qui nous gouvernent, si tant est qu'ils soient réellement alertés par la voix de ce peuple. Dans l'Algérie de 2007, le patriotisme de mauvais aloi et autre discours incantatoire ne font plus recette dès lors que le peuple a d'autres préoccupations, plus terre à terre celles-là. Il ne sert à rien de gloser sur les rounds de négociations avec l'OMC quand ce père de famille de Bouchegouf ne saisit pas pourquoi il y a pénurie de lait. Le jeune d'El Djazia ne comprendra pas non plus comment son pays qui sommeille sur plus de 80 milliards de dollars de réserves de change rechigne à lui trouver un petit job. C'est à ce niveau qu'il faut chercher les raisons de la gifle de jeudi dernier. Les Algériens sont désormais convaincus qu'ils n'ont plus de représentants pour relayer leurs cris et prendre en charge leurs préoccupations. Le député a cessé d'être ce médiateur de confiance. Cette noble fonction se confond dans l'imaginaire collectif avec la rapine, les affaires et l'ascension sociale et les délices du pouvoir. Elle fait beaucoup rêver, tant elle dispense, curieusement, le mandataire du devoir de rendre des comptes. Et c'est là une autre scorie qui colle au système politique algérien dont le mérite reste le maillon faible. Force est de constater en effet que le pouvoir et sa classe politique auront usé et abusé de la confiance du peuple. Et c'en était peut-être trop. Les Algériens sont manifestement fatigués d'être trompés tout le temps, d'où le résultat de jeudi. Il y a, tout compte fait, un silence qui prend parfois la force d'un cri. Et ce fut précisément un cri de détresse que les Algériens ont poussé à l'occasion de ce scrutin législatif. Et à bon entendeur !