Le 21 mai 2003 à 19h44, un séisme d'une magnitude 6,7 ébranlait la région de Boumerdès. Boumerdès. De notre bureau Il fera 2278 morts dans les départements environnants, plus de 10 000 blessés et 15 000 sans-abri. A Boumerdès seulement, ils étaient 1391 citoyens à avoir perdu la vie et 3442 autres ont été blessés. La wilaya a été déclarée sinistrée pour faire face par la suite aux affres de l'après-séisme. Où en est-on aujourd'hui ? Le 5e anniversaire du séisme du 21 mai 2003 qui avait ébranlé la région de Boumerdès coïncide avec la catastrophe qui a dévasté la province chinoise de Sichuan. Les craintes sont de ce fait ravivées et les responsables plus que jamais interpellés, car de l'avis des spécialistes, le Nord algérien n'est pas à l'abri d'une catastrophe qui mettrait en danger la vie de toutes les populations des régions Centre, Est et Ouest. L'urbanisation anarchique, le vieux bâti, les études sismiques à la limite de l'aléatoire (lire entretien avec le Pr Chelghoum), l'absence de voies de communication d'urgence, l'inexistence de plans Orsec appropriés et actualisés, l'absence de structures spécialisées dans la gestion des catastrophes naturelles et des organismes d'intervention spécialisés mettent la population en danger. Tout le monde s'accorde à dire que les pouvoirs publics n'ont pas tiré les enseignements qui s'imposent suite aux différentes catastrophes qu'ont vécues plusieurs régions de notre pays depuis le séisme de Chellif en octobre 1980. Si sur le plan financier l'Etat algérien n'a pas ménagé ses efforts pour prendre en charge les sinistrés du séisme du 21 mai 2003 à Boumerdès, il n'en demeure pas moins que dans le fond, beaucoup de problèmes inhérents à la gestion restent posés. Près d'un milliard de dollars a été dégagé au profit des populations sinistrées de ce département. La conjoncture politique (le séisme s'est produit à la veille de l'élection présidentielle de 2004) et économique (hausse des prix du pétrole) aidant, les responsables ont puisé dans la trésorerie publique pour se montrer « généreux » envers toutes les zones touchées. Mais l'aspect politique a dominé dans la gestion de cette catastrophe. Beaucoup de dépassements, venant de toutes parts, ont été tolérés : fiches de sinistrés pour des gens qui ne l'étaient pas vraiment, manifestations publiques des prétendants à la prise en charge sans ouvrir vraiment le droit, octroi d'aides et de chalets à des citoyens qui ne figuraient pas dans les catégories visées par les aides de l'Etat, retards énormes dans la réalisation des projets de reconstruction et le traitement des dossiers… Tout cela a mis à nu les errements et les absurdités de la machine bureaucratique qui, cependant, n'a subi aucune réforme depuis. Ce qui a d'autant terni l'image des pouvoirs publics dans ce dossier du séisme de mai 2003, c'est inévitablement le procès intenté à 38 cadres et entrepreneurs accusés d'avoir une certaine responsabilité dans ce qui s'est produit. Un procès caractérisé par l'absence des parties ayant élaboré le plan de zonage sismique national qui a sous-estimé la sismicité de la région pour donner lieu à des normes de construction totalement inadaptées. Il était aussi entaché de l'absence, au box des accusés s'entend, de l'administration. La frustration de la population a été grande lorsqu'en fin de parcours ceux qui étaient les vrais coupables, à ses yeux, n'ont pas été inquiétés. Parler aujourd'hui de ce séisme qui a fait 1391 morts et des milliers de blessés et endommagé plus de 95 200 logements et 890 édifices publics dans le seul département de Boumerdès, c'est rappeler les difficultés qu'ont eu les secours pour arriver sur les lieux du sinistre pendant les premières heures ayant suivi le tremblement (beaucoup de citoyens ont perdu la vie sous les décombres parce qu'ils n'ont pas pu être secourus à temps), l'inadaptation des structures sanitaires avec un manque de matériel criant, l'impuissance de l'Etat à faire face à pareilles urgences. Mais c'est aussi évoquer une réelle solidarité citoyenne, qui est la plupart du temps malheureusement impuissante devant l'ampleur de drames pareils, et le dévouement sincère de nombreux employés et fonctionnaires, responsables et autres. Ils étaient en effet très nombreux à se sacrifier pour mener à bien leur mission et c'est grâce à cette catégorie de citoyens que le défi a été, malgré tout, relevé. Il est notable que des fonctionnaires et autres employés ont veillé au grain durant les 6 mois de vie des sinistrés dans les camps de toile pour que n'apparaisse aucune épidémie. Les autorités locales affirment que plus de 95% des sinistrés ont déjà été pris en charge. Mais sur d'autres plans, malheureusement, 5 ans après, l'autorité publique n'est pas parvenue à capitaliser cette douloureuse expérience afin d'épargner des sorts sinistres à d'autres populations d'autres régions du pays ou d'autres générations. Des cités nouvelles ont poussé dans la plupart des communes ayant subi de gros dégâts, 15 000 chalets ont été installés à travers tout le territoire de la wilaya dans des délais raisonnables pour éviter aux familles de passer l'hiver dans des tentes, d'importantes sommes d'argent ont été débloquées pour que les sinistrés aient droit à un toit, mais les mœurs n'ont pas changé. Sur le plan matériel, il est indéniable que la crise a été gérée avec un certain succès, reste l'aspect pédagogique et la capitalisation de cette douloureuse expérience pour que ce qui s'est passé le 21 mai 2003 ne se reproduise plus. En ce qui concerne la responsabilité de l'homme s'entend.