Le report de la date de l'installation de la sixième législature de l'Assemblée populaire nationale n'est ni plus ni moins un signe de fragilité politique. Cette pratique est malheureusement courante dans les pays du tiers-monde », c'est ainsi qu'a commenté Abderrezak Mokri, membre du MSP, le changement apporté à la tenue de la première séance de l'APN. Ce membre influent de cette formation qui fait partie de l'Alliance présidentielle va plus loin dans son analyse. Il qualifie ce report décidé par les législateurs de l'Assemblée d'entorse à la Constitution. « En dépit des arguments avancés par l'Assemblée, des zones d'ombre persistent quant à ce soudain changement. Les dispositions de l'article 113 de la Constitution sont très claires dans ce domaine et ont été appliquées pour les deux législatures précédentes », a-t-il expliqué en regrettant le fait que l'Algérie n'ait pas encore atteint le seuil démocratique acceptable en terme de culture politique et de gestion des affaires de l'Etat. Concrètement, est-ce que l'APN a violé la Constitution ? Selon un constitutionnaliste, la Constitution elle-même n'est pas claire sur au moins deux points : la date de la séance plénière d'installation de l'APN et la démission du gouvernement à l'issue des résultats des élections législatives. Faut-il rappeler que la Constitution de 1996 précise que la législature débute le dixième jour suivant la date d'élection de l'APN. « La législature débute de plein droit le dixième jour suivant la date d'élection de l'Assemblée populaire nationale, sous la présidence de son doyen d'âge assisté des deux députés les plus jeunes. L'Assemblée populaire nationale procède à l'élection de son bureau et à la constitution de ses commissions », indique l'article 113 de la Constitution. Toutefois, vu le flou qui entoure ce passage de la Constitution, l'APN peut effectivement faire deux interprétations de l'article 113 de la Constitution : les élections législatives s'étant tenues le 17 mai, l'installation peut avoir lieu le 27 de ce mois. Néanmoins, l'administration de l'APN peut faire une autre lecture. Celle-ci peut s'avérer aussi « correcte » que la première. Rien n'empêche effectivement de fixer le début de la législature à 10 jours après le 21 mai, date de l'annonce officielle des résultats des élections par le Conseil constitutionnel et non pas à partir de la date du scrutin. C'est cette dernière option qui a été retenue par l'APN pour cette troisième législature. Une source proche de l'APN estime que ce procédé est une première depuis l'adoption de l'actuelle Constitution. Lors de l'élection législative de 1997, le scrutin a eu lieu le 5 juin et la plénière de la quatrième législature le 15. Idem pour la cinquième législature : élection le 30 mai et installation le 9 juin. Notre source écarte, toutefois, tout rapprochement entre le report et un problème politique, ou alors une décision émanant « d'en haut ». De son côté, l'administration de l'APN s'en défend en avançant qu'il est tout à fait normal d'attendre les résultats définitifs du Conseil constitutionnel pour annoncer la tenue de la séance plénière car il est fort possible que les mandats de certains candidats soient rejetés. « Nous avons eu l'expérience de par le passé, où des candidats ont pris place à l'APN et plus tard le Conseil constitutionnel a rejeté leur candidature », a relevé notre source qui juge cette situation « gênante ». Sur un autre chapitre, certaines formations politiques n'arrivent pas à saisir le sens de ce report et sont persuadées que quelque chose se trame au niveau de l'Exécutif. « Il se pourrait que ce report soit dû au fait que le Président sera, à partir de demain, en déplacement à Blida et Chlef », a précisé une source proche du FLN qui est convaincu que cette décision est politique et a été imposé par l'Exécutif. Quant à la démission du gouvernement, notre source indiquera que la Constitution ne donne pas un délai pour la démission du gouvernement. Elle a laissé la porte ouverte à ce sujet. Seulement, il est de coutume que le gouvernement dépose sa démission avant l'installation de l'APN, donc il est fort possible que cela intervienne aujourd'hui ou demain. A signaler, par ailleurs, que Abdelaziz Ziari est, selon toute vraisemblance, le député choisi par le FLN pour succéder à Amar Saâdani. L'ex-ministre des relations avec le Parlement a déposé son dossier de candidature à l'APN avec 18 autres ministres, chacun dans sa ville natale. Toutefois, le nom de Ziari a été mis au-devant de la scène avant même le début de la campagne pour les élections législatives du 17 mai dernier. Cependant, d'autres noms sont venus allonger la liste des préposés au perchoir, il s'agit notamment de Ghrieb, Harraoubia et Djiar... Hier, selon des sources proches du FLN, M. Belkhadem aurait tenu une réunion à huis clos avec les dirigeants du RND et du MSP pour leur annoncer le nom du candidat choisi pour la présidence de l'APN, en l'occurrence Abdelaziz Ziari. Il y a lieu de préciser que si les partis siégeant à l'Assemblée ne présentent pas de candidats et en cas de candidature unique, les élections se tiendront à main levée. Mais dans le cas contraire, le vote se déroulera à bulletins secrets et là tout est permis, et les députés peuvent ne pas respecter les consignes de leurs directions respectives.