Offerte sur plateau d'argent par le président socialiste François Mitterrand, dès son second mandat, à son ami Francis Bouygues, le roi multinational du béton, l'ancienne station de droit public affichant le credo « informer, cultiver et distraire », a subi une mue intégrale. Elle a adopté, sous le rouleau compresseur des recettes de publicité, les standards les plus éprouvés par le modèle de télévision commerciale à l'américaine. En summum de cette odyssée, il y a eu le mot froidement lâché par P. Le Lay : « Le rôle de TF1 est de vendre à Coca Cola du temps de cerveau disponible »… TF 1 a été en tête de pont de la déferlante de déréglementation du paysage audiovisuel français. Ses investisseurs ont joui de fabuleuses opportunités offertes aux premiers arrivants sur le marché. Quasiment le long de cette période, P. Le Lay et E. Mougeotte, les deux principaux boss du groupe TF1, ont dominé le groupe TF1, entre temps étoffé de la première chaîne tout info du pays, LCI. Le fait marquant de cet anniversaire est leur départ du centre d'un immense pouvoir pas seulement d'argent mais d'influence sur l'opinion publique française, voire d'autres pays, limitrophes de géographie ou d'histoire comme ceux d'Afrique du Nord notamment. Leur départ n'est pas marqué par une grande fête, comme les milieux du show biz ont habitué leurs clients à les recevoir, en spectacle. Avec son humour un critique du magazine Télérama pointe cette morosité :« Ça aurait dû être un bel anniversaire, avec feux d'artifice, invités prestigieux et congratulations émues. Pensez donc, vingt ans ! Vingt ans que TF1 est privatisée. Et dix-neuf ans que son pdg Patrick Le Lay et son vice-président Etienne Mougeotte lui assurent un règne sans partage. Au quatorzième étage de sa tour de Boulogne-Billancourt, dans ses vastes bureaux contigus avec vue sur Seine, le duo aurait donc dû recevoir moult messages de félicitations. Les deux capitaines, respectivement (presque) 65 et 67 ans, font la gueule : leur actionnaire, Martin Bouygues, leur a demandé… de quitter le navire. Ils auraient pu s'y attendre, mais ne voulaient pas l'entendre. » Le journaliste situe l'immense pouvoir d'influence acquis par les deux hommes, à la place du propriétaire : « A force de régner sur le PAF, de faire trembler les politiques, de négocier des millions avec les animateurs et de décourager de potentiels successeurs, le duo le plus puissant de l'audiovisuel français en avait presque oublié qu'il n'était pas propriétaire de « sa chaîne ». Rien ne prédestinait les deux hommes à ce médiatique destin commun. » Michelle Cotta, ancienne directrice générale de la chaîne sous statut public, et ancienne présidente du Conseil supérieur de l'audiovisuel explique que si le duo a résisté autant de temps à partager en bonne intelligence le pouvoir c'est parce que « les deux camps ont appris à travailler ensemble. Les deux hommes, à s'estimer. Ce qui a marché, c'est qu'aucun des deux n'a cherché à prendre la place de l'autre. ». Cheville ouvrière aussi du succès fulgurant de la première télé commerciale de France a été la très efficace directrice de publicité, Claude Cohen. Sous sa férule et son ingéniosité à adapter en France les ficelles de marketing et de programmes « tout distraction », l'audience des programmes n'a cessé de pomper le temps des téléspectateurs, en particulier, des segments de la jeunesse. Cette ingénierie de captation de larges parts d'audimat va faire une formidable ventouse à drainer les audiences. C'est la seule chaîne de toute l'Europe à s'assurer 31 % de part d'audience du pays et 55 % des recettes publicitaires. Dans l'univers « impitoyable à la Dallas » du groupe TF1, intronisant à sa tête, ce 22 mai, N. Paolini, ancien directeur des ressources humaines, le propriétaire Bouygues a en particulier sanctionné deux guerres perdues par le duo Le Lay et Mougeotte : en 2004, Canal+ s'est accaparé les droits du championnat de France de football, pour trois ans. Le même concurrent, en 2005 a fait main basse sur TPS, le bouquet de TF1.