La chambre basse du Parlement sera installée aujourd'hui à Alger. Annoncée officiellement, cette procédure devait être faite le 27 mai, soit dix jours après le scrutin législatif. Cela n'a pas été fait. Aucune autorité n'a jugé utile d'en expliquer les raisons. Pis, la disposition constitutionnelle relative à cette installation a été violée ouvertement. La première action de l'APN se fera donc en dehors de la Constitution. La gravité de cette situation n'a pas fait réagir le Conseil constitutionnel. Aucun mot. Rien. Théoriquement, le Conseil que préside Boualem Bessaïh, militant du FLN, veille au « respect » de la Constitution. Ce Conseil, qui a pris tout son temps pour étudier des recours introduits après les élections, a rendu public, mardi soir, un long communiqué où le commentaire a pris le dessus sur l'argumentaire légal et technique. Au-delà du fait que le Conseil constitutionnel a accepté des recours après avoir proclamé les résultats du vote, ce qui est déjà une aberration qui met également à nu l'incohérence des textes, il y a manifestement volonté de réduire en poussière les soupçons de fraude. Au lieu de prouver, clairement et avec précision, s'il y a eu trafic électoral ou pas, l'institution de Boualem Bessaïh a évoqué des « dépassements séparés et isolés ayant touché un nombre réduit de bureaux de vote dans un nombre restreint de communes ». Isolé, réduit, restreint... des mots qui sonnent comme un jugement définitif appris par cœur et qui recopie l'explicatif déjà avancé par le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, le lendemain de la consultation du 17 mai. Et pour bien serrer le nœud, le Conseil attribue « les dépassements » à « une intense compétition électorale », sans préciser la nature et le degré de cette « intensité » que l'opinion nationale n'a pas perçue lors de la campagne. Le faible taux de participation au vote n'est-il pas une preuve évidente de l'inexistence de cette « intensité » ? Ou peut-être que le Conseil, qui occupe de beaux locaux à Hydra, sur les hauteurs d'Alger, parle d'autres élections ? L'institution de Boualem Bessaïh s'est même étalée dans une appréciation, plutôt politique que légale, sur la forte abstention au scrutin et observe qu'aucune disposition de la Constitution ni de la loi électorale « ne subordonne la validation d'une opération électorale à un seuil minimal du taux de participation ». Autrement dit, on peut élire un président de la République ou un Parlement avec 5% seulement des voix. Que la majorité écrasante ne vote pas, cela importe peu. Que reste-t-il donc de la crédibilité des consultations électorales ? Et qu'en est-il de l'importance de la représentation populaire ? Là aussi, au lieu de souligner l'existence de cette faille dans la loi, le Conseil cautionne une situation anachronique et tente de faire taire les critiques sur la légitimité fragile de la future APN. Il amplifie donc le discours officiel sur « la crédibilité » de cette assemblée et donne, quelque peu, raison aux milieux opposants qui estiment que le Conseil constitutionnel est devenu une simple annexe de l'administration. Aussi est-il aisé de comprendre qu'aucun scandale ne peut éclater après que la désignation du président de l'APN s'est faite en dehors des structures reconnues de l'Assemblée, avant même l'installation de celle-ci et sans le moindre respect pour les nouveaux députés qui ne sont pas membres de l'Alliance présidentielle composée du FLN, du RND et du MSP.