Comment se construit notre dépendance à la nicotine ? Des chercheurs de l'Institut Pasteur associés au CNRS, en collaboration avec des chercheurs du Karolinska Institute (Stockholm) et de Bordeaux, viennent d'analyser le rôle des différents récepteurs dans le cerveau lors d'une exposition chronique à la nicotine. Philippe Faure, un d'entre eux, explique. Pourquoi la nicotine est-elle la principale substance du tabac responsable de la dépendance ? Dans le cerveau, la nicotine se substitue à l'action de l'acétylcholine, une substance naturellement fabriquée par notre organisme. L'acétylcholine est impliquée dans de nombreuses fonctions de notre cerveau, comme l'apprentissage, l'attention ou la mémoire. Elle agit aussi sur un système particulier, notre système de récompense, qui définit notre état de satisfaction et l'orientation de nos motivations. En la remplaçant, la nicotine détourne progressivement le fonctionnement de ce système. Fumer une cigarette procure d'abord une sensation de plaisir à laquelle notre corps s'habitue. Il faut alors fumer de plus en plus pour éprouver une satisfaction, c'est la tolérance. Cette activation répétée modifie les équilibres du cerveau qui s'adaptent pour compenser cette sur-stimulation. Lorsque l'on arrête de fumer, la dose de nicotine diminue et le manque apparaît, qui se traduit par de l'irritabilité, des problèmes de concentration… Enfin, quand l'apport reprend, le fumeur a l'impression de se sentir bien à nouveau. Alors qu'en réalité, la nicotine ne fait finalement que le remettre dans l'état dans lequel il était avant de commencer à fumer. Est-ce que d'autres substances agissent de la même manière ? On sait que toutes les drogues (héroïne, alcool…) agissent plus ou moins de cette façon, en détournant le système qui gère nos motivations classiques : manger, boire, travailler, se reproduire… Chacune influence l'activité des neurones en se fixant sur des protéines à la surface des cellules du cerveau. Dans le cas de la nicotine, on distingue deux récepteurs : en particulier, le récepteur Bêta2 et Alpha7. Le rôle spécifique de ces différents récepteurs dans les différentes étapes de la dépendance (accoutumance, tolérance, manque) est mal connu. Ces récentes découvertes vont-elles permettre de mettre au point des molécules qui aident au sevrage tabagique ? On peut espérer mettre au point des molécules ciblant plus spécifiquement Bêta2 à certains moments, et Alpha7 à d'autres. Mais ce ne sont encore que des hypothèses, et la mise au point d'un traitement demandera encore du temps.