La récompense, notamment lorsqu'elle est méritée, doit obligatoirement provoquer chez celui à qui elle est destinée une sensation de profonde exaltation. A la seule condition que le bienfaiteur fasse œuvre utile en veillant à ne pas froisser le récipiendaire. Par un mauvais choix ou par un faux calcul. Car, tout cadeau a une fonction plus réparatrice qu'honorifique. Dans le domaine des hommages qui sont rendus de manière récurrente à des hommes de culture, il est souvent apparu que l'action se suffisait à elle-même. Le simple fait d'accéder à l'hommage pouvait suffire à combler les années d'amnésie et de souffrances. Combien de fois des hommes illustres n'auront droit à une simple reconnaissance qu'une fois profondément installés dans une indigence infra humaine ? Ayant longtemps vécu à l'obscurité, ils auront de la peine à sortir, l'instant d'un flash, à la lumière. Surtout lorsque les maîtres de cérémonies déploient un faste ostentatoire qui, souvent, ne profite qu'aux copains et aux coquins rappelés à grands frais pour participer à l'hommage alibi, moyennant un gros chèque. Récemment encore, un « vigile » que la seule évocation de son œuvre dispense de tout commentaire, aura droit à un hommage à l'occasion de l'unique journée de l'artiste. Nonobstant la bonne volonté des organisateurs, il était manifeste que le choix des cadeaux ne répondait à aucune esthétique particulière. Car comment justifier la remise d'une télé en guise de reconnaissance à l'œuvre accomplie ? Si c'est dans un souci d'évasion, n'était-il pas plus judicieux de remettre un simple chèque de voyage ? Libre au bénéficiaire de choisir la destination. Car, manifestement, pour notre ami, l'aveuglement récurrent du mécène aura lamentablement gâché la fête. Ne dit-on pas que le pire des aveugles est celui qui s'obstine à ne pas voir ?