Les pires formes du travail n'existent pas en Algérie. L'affirmation vient du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, à l'occasion de la commémoration, hier, de la Journée mondiale contre le travail des enfants qui coïncide avec le 12 juin de chaque année. « Une enquête, menée par l'inspection du travail en 2006, a indiqué que sur 3853 organismes employeurs occupant un effectif de 28 840 travailleurs salariés, il a été enregistré l'emploi de 498 enfants de moins de 18 ans dont 156 enfants n'ont pas atteint l'âge légal de 16 ans, soit un pourcentage de l'ordre de 0,54%, contre 0,56% en 2002 », fait remarquer Mohamed Khiat, secrétaire général par intérim au ministère du Travail. D'après lui, ces données confirment que « la situation en Algérie n'est nullement inquiétante en la matière et que notre pays n'est pas du tout concerné par les cas des pires formes de travail des enfants ». Le ministère se réjouit de ce taux presque « insignifiant ». Mais, de l'autre côté, une autre étude menée la même année (2006) par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) aboutit à un taux six fois plus élevé. Cette enquête, réalisée sur un échantillon de 3000 personnes âgées de moins de 18 ans, révèle que 2,89% d'entre eux travaillent. Ainsi, sur les 10 millions d'enfants que compte l'Algérie, entre 250 000 et 300 000 travaillent. Ces derniers, payés au rabais, sont dans la majorité des cas exploités dans les secteurs du bâtiment et de l'agriculture. Cela sans compter les milliers d'enfants qui font dans le commerce informel : vendeurs de cigarettes, vendeurs à la sauvette... qu'on aperçoit quotidiennement dans la rue. L'étude de la Forem, qui a concerné huit wilayas, souligne, par exemple, qu'à Tiaret on a recensé 250 entreprises employant des enfants. Les données sont éloquentes. Hocine Tali, sous-directeur de l'emploi agricole au ministère de l'Agriculture, a tenté, lors de son intervention à la journée commémorative organisée à Alger par le ministère du Travail, d'expliquer l'emploi des enfants dans le secteur par la nature familiale des exploitations agricoles. D'après lui, 60% du million d'exploitations agricoles ne dépassent pas les cinq hectares. Celles-ci sont des exploitations familiales. « L'enfant aide effectivement ses parents dans leur travail. Mais on ne peut pas imaginer qu'un père pourrait exploiter son enfant », soutient-il. Pour lui, l'exploitation des enfants, si elle existe dans le secteur agricole, reste minime. Il affirme, par ailleurs, que le ministère prépare un projet d'enquête qui sera lancé en 2008, sur la main-d'œuvre dans les exploitations agricoles à partir d'un échantillon couvrant toutes les catégories sociales à l'échelle nationale, y compris les femmes et les enfants, en vue d'identifier cette main-d'œuvre. Il explique la nécessité d'une telle enquête dans le secteur par le fait que 70% des enfants travailleurs dans le monde se trouvent dans le secteur de l'agriculture. Ce qui représente environ 150 millions d'enfants. Mais aussi, ajoute-t-il, parce que l'agriculture figure parmi les secteurs les plus exposés aux maladies et aux dangers professionnels. Selon certaines études, la pauvreté est l'une des principales causes amenant les enfants à travailler. Mais cela n'est pas tout. L'échec scolaire et l'économie informelle qui gangrène le pays y sont pour beaucoup. Cela pousse Raymond Janssens, représentant de l'Unicef à Alger, à plaider hier pour une scolarisation à 100%. L'école, selon lui, garantit la protection de l'enfant. L'Algérie, faut-il le rappeler, a ratifié la Convention internationale sur les droits des enfants, le 19 décembre 1992, avec réserves. La législation algérienne du travail est aussi claire là-dessus : dans son article 15, l'âge minimum requis pour un recrutement ne peut en aucun cas être inférieur à 16 ans, sauf dans le cadre de contrats d'apprentissage établis conformément à la législation. Il y a eu même l'installation d'une commission intersectorielle de lutte contre le travail des enfants. Mais face au manque de moyens de contrôle des employeurs, la réalité est bien là, frappante.