Et si le venin de scorpion parvenait à guérir la sclérose en plaques ? Il y a longtemps que les pharmacologues le soupçonnent d'être une source précieuse de principes thérapeutiques. Alors que plus de 15 millions d'Algériens sont fortement exposés aux piqûres de scorpion — 45 000 à 50 000 personnes sont piquées chaque année et entre 60 et 100 en meurent —, il est temps de réhabiliter les arachnides… Aujourd'hui, les toxines contenues dans leur venin sont encore mal connues — la recherche biomédicale n'en a décrypté qu'1% — mais on en sait un peu plus sur leur action dans notre organisme. Convulsions, accélération du rythme cardiaque, augmentation de la pression sanguine puis arrêt cardiaque ou respiratoire : la détresse causée par le venin est, en fait, due à deux neurotoxines, la chlorotoxine et la charbydotoxine. « Une fois que le scorpion injecte son venin, celui-ci passe dans le sang puis dans le réseau extravasculaire, colonisant les cellules qui se trouvent sur son passage », explique Ahmed Chérif Benguedda, chef du service sérums thérapeutiques à l'Institut Pasteur d'Alger. Et d'ajouter : « Il s'en prend notamment aux cellules possédant un canal ionique. Que se passe-t-il en temps normal ? Ce canal, lorsque la cellule est excitée, s'ouvre et se referme, en quelques millièmes de secondes, en fonction des informations reçues. Si du venin de scorpion arrive au niveau de ces cellules, le canal ionique reste ouvert beaucoup plus longtemps. Le sodium contenu dans la cellule migre alors vers l'extérieur et cette dernière meurt. » L'équation se résume ainsi : émission (de venin), conduction et réception. Or, les pathologies neurologiques sont justement dues à un dysfonctionnement de cette équation au niveau des cellules. L'espoir thérapeutique résiderait, donc, dans la mise au point de principes actifs restaurant ces trois fonctions. Les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, pourraient aussi bénéficier de l'action de certaines toxines. Ces dernières diminueraient les défenses immunitaires anormales qui, dans le cas de ces pathologies, se retournent contre l'organisme. Des essais cliniques sont en cours. Enfin, le venin de scorpion, en particulier du Leiurus quinquestriatus, redoutable scorpion surnommé Semeur de la mort, intéresse aussi les cancérologues. En ciblant les cellules cancéreuses sans toucher les cellules saines (le secret des traitements anticancéreux), son venin permettrait de ralentir le développement des tumeurs du cerveau.