Une fête de fin d'année scolaire ! Voilà une tradition universelle que l'on retrouve sur les cinq continents depuis que l'école/institution existe. C'est un moment fort en émotions et toujours attendu avec impatience. La fête unit dans un bel élan de communion tous les partenaires de l'institution éducative : parents, élèves, enseignants et administration. On y oublie les colères, les incompréhensions, les tensions et les tiraillements des trois trimestres écoulés. Tout le monde doit être beau et gentil à la fois. C'est là une règle d'or. Une atmosphère saine qui permet de tout effacer et se revigorer pour l'année qui vient. Une pause bilan tant sur le plan individuel que collectif. Jamais dans les annales un tel événement n'a pu susciter mécontentement ouvert ou esprit de favoritisme, source de discrimination. Nul n'a idée d'avoir une telle pensée en tête. Et pourtant, ce témoignage nous prouve le contraire. La fête scolaire de fin d'année peut se prêter à toutes les dérives. Elle peut même tordre le cou à la morale la plus élémentaire. Cela se passe dans une école privée, située sur les hauteurs de la banlieue ouest d'Alger. Les préparatifs vont bon train. Monsieur X, pour ne pas le nommer, s'apprête à vivre une fête inoubliable. Ses deux enfants déjà primés pour leurs résultats ont été choisis pour des rôles de premier plan dans les différentes activités programmées. Il se rend auprès de l'administration de l'école pour s'informer de la date exacte de l'événement. A sa grande surprise, il apprend qu'il n'est pas concerné par l'invitation. La patronne de l'école a décidé de sélectionner les parents qui assisteront à la fête. Renseignement pris en consultation avec d'autres parents, Monsieur X découvre que les heureux élus ont bel et bien été triés sur un volet insolite. Comme critères de participation des parents à la fête : l'épaisseur du carnet de chèques et la longueur du bras dans les hautes sphères du pouvoir. En un mot, l'esprit de sélection n'épargne pas les parents. Ils sont soumis au scanner du tri sélectif de peur qu'ils ne polluent la bonne et douillette conscience de certains. Le cocasse dans l'affaire réside dans le choix des victimes. Ils ont cru fuir la supposée médiocrité de l'école publique et les voilà jetés en pâture dans le pire des discrédits. Ils se font ramasser au motif d'une situation sociale déclassée selon l'échelle des valeurs imposée par la patronne de l'école privée qu'ils ont pourtant choisie pour leurs enfants. Quelle sera la réaction de ces derniers ? Ils viennent de recevoir une belle leçon d'immoralité de la part de celle qui est leur directrice. A- t- elle échangé son habit d'éducatrice au profit de celui, peu enviable, de commerçante avisée. Elle donne la preuve qu'elle est plutôt soucieuse des dividendes matériels et non de l'épanouissement de la communauté dont elle a la responsabilité. Humilité Où va l'école privée algérienne avec de tels énergumènes ? Autre lieu, autres mœurs. Une bouffée d'oxygène que cette virée plongeante des hauteurs vers les rivages de la baie d'Alger pour aller savourer la langue des signes et du cœur. Rendons nous chez les sourds-muets de cette école publique et non privée. Une visite à l'école des enfants malentendants de Mohammédia nous a réconcilié avec la noblesse que portent en eux les vrais éducateurs — hommes et femmes confondus. L'établissement est superbe par sa superficie et son agencement architectural : une oasis de verdure et d'esthétique en plein milieu d'un voisinage bétonné et bunkérisé. Ses pensionnaires ont la chance de se mouvoir dans un décor de rêve rehaussé par des espaces verts, des arbres centenaires et des aires de jeux équipées. Notre curiosité a été attirée par l'ambiance bon enfant qui y règne et la qualité des relations humaines exceptionnelle. Tout au long de notre présence, ce n'était que rires sonores, tapes amicales, bises affectueuses des enfants pour leurs encadreurs, dialogues animés et complices dans l'humour d'une blague ou d'une histoire comique. Ces enfants sont pleins de vie. Certes, l'événement est propice à ce genre d'attitude. L'école prépare sa fête de fin d'année. Le coup d'envoi est fixé pour l'après-midi et toute le monde est affairé. Il n'y a point de hiérarchie : le concierge, l'agent de sécurité ou les agents d'entretien ne se distinguent pas des fonctionnaires ou des enseignants. Ils sont à égal statut devant le devoir de servir et d'honorer l'école par un coup de main utile. A la fin d'une fête où les parents — sans ségrégation aucune — ont eu leur part de sensations, les résultats ont été proclamés. L'école a eu 100% de réussite à l'examen de sixième. Une performance qui n'a d'égal que les soins et l'affection affichés dans une belle humilité tout au long de l'année par les personnels de l'établissement. Une marque de fabrique qui honore l'éducation comprise en tant que stratégie porteuse de valeurs humaines et universelles.