Il discutait avec ses confrères exactement comme le feraient entre elles deux tricoteuses dont l'une souffle à l'autre ses petites astuces dans l'art de passer la maille plutôt à droite qu'à gauche. Il n'en reste pas moins que le « tricoteur » avec lequel ses interlocuteurs conversaient était à deux kilomètres et qu'il opérait une malade d'une hernie hiatale. Le foie, la rate et les autres organes tremblotaient au rythme d'un cœur battant qu'on ne voyait pas. L'abdomen avait été enflé à l'aide de gaz carbonique comme on le fait pour le mouton de l'Aïd. L'opération était cependant moins hard que dans le cas d'une intervention chirurgicale classique. Cette ubuesque situation où le chirurgien ne voyait les organes internes qu'à travers un écran de moniteur et qu'il palpait à l'aide d'instruments, a été rendue possible grâce à une retransmission en live qui relevait d'une prouesse technique, une prouesse que n'ont pas manqué de relever les congressistes des 5es Journées de chirurgie digestive et laparoscopique. La qualité de l'image et du son était parfaite. Tous deux en numérique étaient transmis par une liaison internet. Il n'est pas inutile de signaler, en passant, la conduite peu commerciale d'Algérie Télécom qui oblige ses clients qui n'ont besoin d'une connexion ADSL que pour 24h, d'acquitter un abonnement minimum d'un mois, ce qui revient à 100 000 DA. Pour d'aucuns, une telle conditionnalité n'est pas prête d'encourager la popularisation des TIC. Il n'en reste pas moins que cette connexion a été hautement rentabilisée en des journées qualifiées par leur invité d'honneur, le professeur Christian Meyer, d'un niveau scientifique que lui envieraient beaucoup de congrès internationaux. Pour sa part, le professeur Meradji témoigne que les journées témouchentoises, bien qu'organisées par un secteur sanitaire et non un CHU, sont aujourd'hui très courues par la communauté médicale. Par la qualité des participants et les thèmes débattus, elles ont permis de se faire une idée des expériences des différentes équipes en matière de cancer du côlon, une pathologie ayant augmenté en rapport avec les changements de mode alimentaire au point d'être devenue la première en Algérie par sa fréquence. A cet égard, il a été déploré l'insuffisance des méthodes de dépistage et le stade tardif de découverte. Quant à l'intervention chirurgicale qui a constitué une première et qui a duré 1 heure 25, elle a démarré quelque peu laborieusement, l'équipe n'étant pas homogène parce que n'ayant jamais travaillé ensemble et que seul le professeur Meyer avait l'expérience de ce type d'opération sur une hernie hiatale. Il y avait également le fait que la patiente était particulièrement obèse, ce qui ne facilite pas le travail des instruments. L'opération a été tout de même une réussite. En effet, grâce à la confection d'un système antireflux par l'utilisation des tissus de la malade, cette dernière ne souffrira plus de brûlures acides de l'œsophage, des brûlures qui débouchent à terme sur un rétrécissement ou un cancer de l'œsophage.