La fin de l'interdiction des dépôts des entreprises publiques chez les banques privées a une conséquence immédiate. Elle change la donne de la privatisation du CPA qui conservera 25% de son chiffre d'affaires. La compétition pour acquérir la banque était déjà très tendue avant cette mesure. La privatisation en cours du CPA tient en haleine la place d'Alger. Naturel, il s'agit de la première session d'actifs dans une banque publique, la première par le réseau, la seconde par le bilan. Tous les jours, des nouvelles filtrent sur le favori de l'acquisition. L'enjeu est de taille. Le nouveau propriétaire du CPA est assuré d'être le leader du marché bancaire en Algérie, " opérateur dominant ", dirait l'ARPT en parlant de Djezzy. La Rothschild Bank (qui pilote cette mise sur le marché de 51% du capital du CPA pour le compte de son actionnaire public), doit boucler la transaction au second semestre de l'année… qui commence dans quelques jours. Mais voilà justement que ce second semestre 2007 chamboule la donne avec l'annonce par la chefferie du gouvernement Belkhadem de l'annulation de la circulaire Ouyahia sur les dépôts chez les banques privées. En 2004, en effet, les entreprises et institutions publiques avaient été instruites de l'interdiction de tout dépôt chez les banques privées. Le gouvernement utilisait alors les grands moyens après la migration massive des avoirs publics vers El Khalifa Bank entre 2000 et fin 2002. " L'annulation de la circulaire Ouyahia va avoir une sérieuse incidence sur l'approche de la cession de 51% du capital du CPA car les prétendants à l'acquisition ont intégré dans leur offre le fait que le CPA allait perdre sa clientèle du secteur public en devenant banque privée ", explique un conseiller algérien accompagnant une des banques françaises en lice pour s'emparer du CPA. En réalité, les dépôts des entreprises publiques - parmi lesquelles le groupe Sonatrach - alimentent 25% du chiffre d'affaires global du CPA. Les incidences de la circulaire Ouyahia, c'est-à-dire le retrait réglementaire des fonds d'origine publics du CPA une fois privatisé, étaient mentionnées dans la présentation du dossier de privatisation. C'était un scénario connu. Mais il faut imaginer également que les banques étrangères en course pour l'acquisition du CPA avaient aussi ébauché une offre intégrant le portefeuille de clients CPA sans perte des entreprises publiques. La revalorisation de plus de 25% du chiffre d'affaires du CPA que vient de provoquer l'annulation de la circulaire Ouyahia peut-il changer la donne de la compétition entre banques acquéreuses ? En réalité, le dossier de la privatisation CPA était déjà bien" imbriqué " avant cette décision du gouvernement Belkhadem. Le point avant la levée de la circulaire Ouyahia La première question qui interpelle le milieu financier algérois est de savoir si c'est une banque française qui va être choisie. Elles sont statistiquement en bonne position. Avec BNP Paribas, Société Générale, Crédit agricole et Natixis, elles sont jusqu'à nouvel ordre quatre. Contre deux non françaises : l'espagnole Banco de Santander et l'américaine Citigroup. Ce n'est bien sûr pas une simple affaire de pronostic. Le développement rapide des réseaux clients de Société Générale et de BNP Paribas pose le problème pour les autorités algériennes de la prédominance des banques françaises sur le secteur financier privé. Rien d'affolant pour l'heure ; les moyens engagés restent modestes compte tenu des volumes d'affaires que propose le marché algérien. BNP Paribas et Société Générale n'ont pas été au-dessus des seuils légaux de leurs capitalisations et tardent à diversifier leurs opérations au-delà du commerce extérieur, du financement de trésorerie d'entreprise et du crédit immobilier. Mais le passage du CPA entre les mains d'une banque d'un autre pays que la France intéresse " politiquement " Alger, pour la catégorie d'investisseurs qu'elle pourrait drainer. La préférence pourrait même aller vers Banco Santander, en dépit ou à cause, des tensions actuelles avec Madrid autour de la part du gaz algérien dans le marché espagnol. Le crédit agricole est le plus souvent cité Les PME espagnoles sont très dynamiques à l'international. Leur implantation en Afrique du Nord, déjà remarquable au Maroc, est un pari qui intéresse les Algériens toujours incapables de faire bondir le stock d'IDE accueilli depuis six ou sept ans. Mais voilà qu'il se précise que Banco Santander n'a d'yeux actuellement que pour l'acquisition de la banque néerlandaise ABN Ambro, une mariée bien plus appétissante que le CPA et son territoire strictement algérien. Citigroup n'apparait pas comme une option forte à cause notamment d'une discrétion trop grande autour de son offre qui laisse planer des doutes sur ses ambitions algériennes. Ce sentiment est aussi valable pour Natixis qui a toutefois un plan B mis en route avec le développement du réseau de sa propre enseigne. Faisons donc le point : BNP Paribas et Société Générale peuvent peut-être faire la meilleure offre industrielle mais sont déjà présentes dans le paysage algérien qui a besoin de se diversifier. Citigroup et Natixis ne sont pas évoquées comme des acquéreurs " très motivés ", Banco Santander s'est retournée vers l'Europe, pour le moment. Il reste donc le Crédit agricole (CA). Ce n'est pas un hasard s'il est cité le plus souvent pour être le mieux placé. CA a fait feu de tout bois pour montrer sa détermination à acquérir le CPA. Il a dû mettre ces dernières semaines un bémol à son déploiement médiatique pour cause d'entrée en phase de délibération. CA a mis l'Algérie " en levier " dans sa politique d'extension en Méditerranée. Cela a flatté beaucoup d'oreilles à Alger. Inconvénient de taille, c'est une banque française. Qui décidera en derrière instance de l'identité du nouveau propriétaire du CPA ? " Cela ne restera pas entre les mains des experts, ni des ministres de la MPPI ou des Finances, c'est une évidence ", répond un observateur étranger près du dossier. Officiellement, la levée de la circulaire Ouyahia qui remet sur pied d'égalité banque publique et privée répond à la demande d'un partenaire de l'Algérie dans le cadre de la négociation pour l'accession à l'OMC. Dans l'immédiat, elle relève la barrière d'entrée pour acquérir le CPA.