Les résultats préliminaires d'une enquête menée par le Centre national d'étude et d'analyse de la population (Ceneap), rendus publics hier lors de la conférence sur le rôle du mouvement associatif dans la lutte contre la drogue, organisée par l'Office national de prévention et de lutte contre la drogue et la toxicomanie, montrent que 50% des toxicomanes, en cure de désintoxication, ont un âge compris entre 20 et 30 ans. Les plus de 40 ans représentent 5%, alors que celle des moins de 20 ans et des 30-40 ans reste insignifiante. Ce qui laisse croire, révèle le conférencier, que les toxicomanes les plus volontaires pour se soigner sont les jeunes. Cette enquête a, selon Tahar Hocine, « levé toute équivoque » au sujet des chiffres donnés relatifs à la consommation de la drogue. Ainsi, selon lui, la moyenne de 50% de jeunes qui s'adonnent à la drogue est totalement fausse. « Elle ne repose sur aucune donnée ou enquête fiable. Elle n'existe dans aucun pays au monde », souligne Tahar Hocine. Pour lui, l'analyse des affaires de drogue traitées par les services de sécurité fait état de « l'évolution progressive et rapide » de ce fléau dans la région de l'est du pays, par rapport au Centre et à l'Ouest, tout en notant la situation « dangereuse » au sud du pays, où les chiffres sont inquiétants si l'on considère que la population de cette région ne représente que 10% des Algériens. « Dans cette région, nous avons un dealer pour un consommateur de drogue, alors qu'à l'Ouest, c'est un dealer pour trois », dit-il. Il ressort également du traitement des données relatives aux personnes poursuivies dans le cadre des affaires de drogue qu'en Algérie, il n'y a pas de « grands réseaux ou de filières de narco trafiquants comparativement aux pays voisins ». Néanmoins, il précise que les autorités doivent se pencher davantage sur ce volet, dans la mesure où les chiffres peuvent cacher une autre réalité. Celle où l'on constate que ceux qui sont arrêtés ne représentent que le dernier maillon de la chaîne, alors que les vrais barons ne sont jamais inquiétés. A ce titre, il explique que le nombre d'affaires traitées annuellement est de 7000, avec une tendance à la hausse. En 2006, 10 000 personnes ont été poursuivies pour trafic de drogue, alors qu'en 2004, elles étaient 8500. Eu égard aux premiers résultats de cette enquête, qui devra être achevée vers la fin 2008, le centre d'étude note « l'absence flagrante de stratégie thérapeutique qui implique toutes les parties concernées ». Il appelle à une profonde étude du phénomène dans la société pour mieux l'appréhender et le combattre. Le directeur général de l'Office national de prévention et de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Abdelmalek Sayah, souligne l'importance d'un fichier national des dealers afin de « suivre leur traçabilité et d'arriver aux barrons qui ne touchent à rien sauf à l'argent ». Le représentant des douanes s'est vu obligé de donner une explication quant au nombre réduit des affaires traitées par ses services. Il note que ce corps compte 14 000 agents qui n'agissent pas en milieu urbain où la drogue évolue. Ils n'interviennent, dit-il, qu'au niveau des frontières et généralement ils ciblent surtout les barrons et non pas les petits dealers et les consommateurs. Il fera remarquer que les saisies opérées par les douanes sont les plus importantes. En 2005, ces dernières ont récupéré 3 t de cannabis sur les 9 t saisies. En 2006, cette quantité est passée à 6 t sur les 10 t récupérées, et durant le premier trimestre de l'année en cours, les douanes ont saisi 3,6 t sur les 5 t récupérées. A la fin des travaux, les recommandations élaborées par les ateliers techniques sont lues à l'assistance. Il s'agit, entre autres, de la nécessité de multiplier les rencontres de ce type au niveau national, avec l'implication du mouvement associatif, et d'échanger les expériences entre les associations militant dans le domaine dans le but de travailler en réseau national de lutte contre les toxicomanies. Les conférenciers estiment que les chiffres relatifs au trafic de drogue et sa prolifération ont fait évoluer la situation du pays de zone de transit à celle de la consommation et risque même d'aller vers celle de la production. De ce fait, ils appellent à la mobilisation pour faire face à ce fléau qui menace la santé publique, la stabilité du pays et l'économie nationale.