L'humanisation des services de santé apparaît dans le jargon des autorités sanitaires. Un programme nécessitant peu de moyens matériels mais un vrai électrochoc à tous les niveaux du système de santé. Quand le citoyen sollicite un acte de soin des plus élémentaires, il se rend compte qu'il s'agit au mieux d'un vœu pieu, et, au pire, d'un leurre. Pensant trouver plus d'humanité et de proximité, le malade s'oriente dans une clinique privée, et là il perd beaucoup d'argent, et parfois un membre ou un organe. Il arrive alors qu'il soit réexpédié en catastrophe vers les structures publiques, abhorrées mais salvatrices en définitive. Les cabinets de radiologie ne désemplissent pas de malades, munis parfois d'ordonnances signées dans les hôpitaux. Les structures publiques sont pourtant toutes dotées d'appareils d'exploration, mais les citoyens les plus humbles sont orientés en nombre toujours plus grand dans le secteur payant. Il est rare de rencontrer dans la salle d'attente d'un cabinet de radiologie une personne aisée. Cette catégorie de citoyens réussit toujours le tour de force de faire « rencontrer », dans les hôpitaux publics, l'équipement médical avec le praticien. Pour le malade ordinaire, désargenté, soit c'est l'équipement qui est en panne, soit c'est le médecin qui n'est pas là. Il suffit de s'attarder dans les couloirs des hôpitaux pour voir la détresse humaine renvoyée d'un revers de main. A l'exemple de ce couple, ayant longtemps erré à l'hôpital, avant d'atterrir entre la maternité et le service de gynécologie. Ils croient avoir trouvé ce qu'ils cherchent. Ne parlant pas la langue locale, ils se contentent de tendre une lettre où est écrit « Echographie ». La femme a besoin de subir un examen échographique. Confiante, elle s'appuie contre le mur, attendant que son mari la fasse bénéficier de la santé publique. Une infirmière passe. Elle lit la lettre, et dit au mari : « Ce n'est pas ici. On vous a orienté vers un gynécologue privé. » L'homme reprend sa lettre. Il n'a rien compris, mais il sait qu'il doit s'en aller. Et ils s'en vont. La femme n'aura pas eu le temps de s'asseoir une seconde pour reprendre son souffle. Contribuables, certes, mais trop pauvres pour avoir accès aux soins gratuits. Réflexe d'humanité, l'infirmière interpelle la dame dans les escaliers : « Laissez pas traîner votre robe, madame. Vous allez emporter tous les microbes chez vous ! »