Qui ne connaît pas Bombay ? Une ville indienne pas comme les autres et un mythe, celui de la plus grande industrie du cinéma. Mais Bombay, ce n'est pas du cinéma. Inde. De notre envoyé spécial Bombay est certainement la ville indienne qui connaît la plus grande métamorphose. Elle est en train de repousser toutes les frontières de la pauvreté comme en témoignent les grands travaux, y compris dans son immense bidonville. Une manière certainement, d'en venir à bout. Encore que tout soit relatif, car ce qui va suivre laisse parfois dubitatif. Prenons par exemple l'immense front de mer de cette ville, long de plusieurs dizaines de kilomètres. Sur toute sa longueur surgissent de nouveaux buldings et autres centres d'affaires faisant flamber les prix de l'immobilier. Selon ceux qui s'y intéressent et en font leur gagne-pain, le mètre carré atteindrait les 9000 dollars. Excessif pour un pays qui n'a pas de salaire minimum mais où les salaires grimpent de manière substantielle, amenant ceux qui en profitent à passer à autre chose dans leur vie, celle des loisirs. Et dans cette ville de vingt millions d'habitants et même plus, puisque certaines estimations y ajoutent tous ceux qui y travaillent sans y habiter. Quelques millions, et pas moins. Dans cette ville, les loisirs ne manquent pas. Des voyages, eh oui, avec des destinations que les Indiens empruntaient il n'y a pas si longtemps, si ce n'est encore le cas, en quête de moyens d'existence : il s'agit de l'Europe. Une véritable aventure avec les passeurs. Cela a dû inspirer l'industrie du cinéma indien. Celle qu'on appelle « Bollywood ». 1200 films produits annuellement, un record absolu. Et le fin du fin, c'est la décision du groupe américain Walt Disney de délocaliser ses activités cinématographiques vers l'Inde. C'est à la mode, et c'est rentable. Malgré cette industrie qui attire les plus grands, les Indiens, en ce début du mois de juillet, attendaient la sortie du dernier épisode de Harry Potter. Que cela marche et c'est le jackpot pour les producteurs de cette série, car le marché indien ouvre les portes du paradis avec des spectateurs qui se comptent en centaines de millions. En ce début d'été pour les autres contrées, la grande métropole indienne n'a pas eu que la mousson, un phénomène soit dit en passant qui suscite un vif débat actuellement. Plus précisément, la justice indienne a décidé de s'en mêler, non pas pour s'opposer aux phénomènes naturels — cela n'arrive qu'au cinéma — mais à leurs effets. Cette vénérable institution a décidé de mettre les différentes autorités face à leurs obligations. Plus question de mourir ou de souffrir des inondations, lesquelles ont une cause, celle d'une voirie mal ou pas du tout entretenue. On verra l'année prochaine. Comme phénomènes nouveaux donc, Bombay s'apprête à accueillir la presse gratuite internationale. Métro fait sa campagne, mais la presse locale, forte de ses quelques milliers de publications en raison de la diversité des langues, semble s'y être préparée, avec sa free-press. La préparation est telle que le changement est déjà total, dans la ligne éditoriale, les tendances rédactionnelles, le design. Moins de politique, plus de business avec des suppléments spécialisés qui ciblent un lectorat bien précis, et des pages people dans lesquelles les Indiens auront certainement bien du mal à s'y reconnaître. Des vedettes locales et internationales s'y côtoient, sans trop se différencier jusque dans la légèreté de leur accoutrement. Dans ce pays en pleine mutation, les pages les plus lues, outre les loisirs, sont celles des annonces matrimoniales. On les compte par centaines, et elles sont classées selon plusieurs critères, depuis la région jusqu'à l'éthnie pour ceux qui y tiennent. Et pour ceux qui n'ont pas de moyens, le seul loisir en attendant mieux, c'est incontestablement ce fameux front de mer, lieu de toutes les diversités. En sari ou en jean's, les couples n'hésitent pas à s'afficher dans des situations, il est vrai, nullement compromettantes, mais qui auraient fait rougir de gêne il n'y a pas si longtemps. C'est cela l'Inde aujourd'hui. Mais l'Inde de toujours, ce sont ces plages immenses, mais désespérément vides. Les Indiens, nous a-t-on dit, ne se baignent pas dans l'eau de mer. Ils préfèrent celle des rivières. Est-ce encore ce rapport avec la mer et le métier de la pêche que certains considèrent comme dégradant ou tout au moins guère valorisant ? Ah ! ces mentalités qui acceptent difficilement le changement. Alors même que cette métropole emprunte l'express.