L'Inde vit depuis mercredi des scènes de terreur dans sa grande métropole méridionale. Bombay, ou Mumbay, pour les Indiens, qui a été le théâtre d'actes terroristes. Ce qui n'est pas nouveau dans ce pays où la vie est marquée par des cycles de violence mettant souvent aux prises les principales communautés de ce pays et l'Inde en compte énormément. Ce ne sont pas non plus les guerres avec le Pakistan voisin qui feront oublier cette situation, puisque dès qu'il y a violence, les échanges d'accusations fusent presque automatiquement, mais aussitôt démenties. Ce qui est nouveau par contre, c'est le côté spectaculaire et audacieux de ces attaques lancées en divers points de cette ville de quatorze millions d'habitants, avec à chaque fois des morts et une prise d'otages dans les deux principaux hôtels de Bombay, le Tajmahal et le Trident Oberoi, tous deux situés sur la belle baie où les édifices poussent comme des champignons. Plus que cela, c'est l'endroit où descendent la plupart des touristes étrangers. C'est certainement ce qui a déterminé le choix des cibles. Les assaillants sont, quant à eux, venus lourdement armés puisque leur attaque a duré au moins quarante huit heures, avec un bilan provisoire d'au moins 130 morts. Il faut ajouter les 24 corps découverts, hier, dans l'hôtel Oberoi. C'est ce qu' a déclaré le chef de la police de Bombay, précisant que le sauvetage des otages était terminé. Effectivement, les forces indiennes continuaient à fouiller une par une les centaines de chambres des deux hôtels. Au moins 93 otages, en particulier des étrangers, ont été libérés hier de l'Oberoi Trident, où, selon la direction, 200 personnes étaient retenues la veille. Des responsables indiens ont accusé le Pakistan, pays voisin et rival de l'Inde, d'être derrière ces attaques coordonnées et très bien orchestrées, qui ont semé le chaos à Bombay, cœur économique de l'Inde, visant une dizaine de cibles. Islamabad a aussitôt démenti. D'autres responsables étrangers ont évoqué la piste du réseau terroriste Al Qaïda, mais cela laisse dubitatif pour ceux qui suivent la question de la violence en Inde. Les raids revendiqués au nom d'un groupe islamiste inconnu jusque-là, disant se battre pour la défense des musulmans d'Inde, ont visé en particulier des étrangers, plus spécifiquement des Américains et Britanniques, clients des deux hôtels, ainsi qu'un centre juif. Mais ils ont aussi frappé des cibles indiennes, comme à la gare centrale de Bombay. La mort de sept étrangers a été confirmée : deux Australiens, un Britannique, un Japonais, un Allemand, un Canadien et un Italien. Hier matin, un commando des forces spéciales a été largué par hélicoptère sur le centre juif de Bombay, où des otages seraient encore retenus. Des explosions et des tirs étaient entendus depuis l'intérieur de l'immeuble. A l'Oberoi Trident, la fouille des chambres se poursuivait après la libération de 93 otages. Certains sont sortis de l'hôtel en portant des valises ou des d'ordinateurs, mais beaucoup n'avaient sur eux que les vêtements qu'ils portaient. « Nos forces sont engagées dans des opérations de ratissage et recherchent des gens qui pourraient encore être à l'intérieur (de l'hôtel). Nous vérifions chambre par chambre », a déclaré un assistant du commissaire de police de Bombay, A.N. Roy, sans pouvoir dire « si l'hôtel est à 100% débarrassé des terroristes ». Un peu plus tôt, les forces indiennes avaient indiqué que des commandos avaient presque totalement libéré le Taj Mahal. Des échanges de tirs nourris étaient cependant encore entendus aux abords de l'hôtel. Ces attaques ont été revendiquées par un groupe islamiste, les moujahidine du Deccan, du nom du plateau qui couvre le centre et le sud de l'Inde. Le groupe réclame la fin des « persécutions » contre les musulmans d'Inde, une forte minorité de 150 millions de personnes dans ce pays qui compte 1,2 milliard d'habitants, hindous en majorité. Mais plusieurs responsables indiens ont, une nouvelle fois, vu dans ces attaques la main du Pakistan, souvent accusé par l'Inde de soutenir des groupes islamistes auteurs d'attentats sur son sol. Selon l'agence de presse indienne PTI, citant des sources officielles, trois extrémistes, dont un ressortissant pakistanais, ont été arrêtés dans l'hôtel Taj Mahal. Cet homme est présenté comme étant Ajmal Amir Kamal, un habitant de Faridkot, au Pakistan. L'agence affirme que les extrémistes sont membres du Lashkar-e-Taïba, un groupe armé islamiste basé au Pakistan, connu notamment pour avoir attaqué le Parlement indien en 2001. Le Pakistanais a déclaré aux enquêteurs indiens, selon PTI, que le groupe des 12 extrémistes, auquel il appartenait, avait été conduit par un navire marchand près des eaux territoriales indiennes et avait gagné Bombay à bord d'un hors-bord. La suite est connue depuis longtemps, soit un cycle de violence dont on ne voit plus la fin. L'Inde et le Pakistan en sont toujours, quant à eux, à engager des processus de paix suscitant de grands espoirs. Là aussi, la symbolique occupe une place souvent prépondérante, alors qu'il y a lieu de sécuriser une frontière et de crever tous les abcès. Et il n'en manque pas.